Située à 8 kilomètres au Sud-Ouest de Teboursouk, à une altitude de 497 mètres, Thugga (l'actuelle Dougga) a été édifiée sans plan à l'origine.
Elle représente, à l'inverse de certaines colonies romaines tracées au cordeau, un enchevêtrement de rues dallées, utilisables uniquement par les piétons et souvent dépourvues de trottoirs. Les maisons étaient bâties sur le plan classique des habitations romano-africaines, hérité du modèle hellénistique, et qui s'est perpétué de nos jours dans les demeures tunisiennes traditionnelles, avec les pièces s'ouvrant sur un patio bordé d'un portique auquel on accède, de la rue, par un vestibule.
Les ruines occupent une colline dont les flancs sont très escarpés au Nord et qui s'abaisse en pente modérée au Sud. Les limites de la cité, qui n'était pas entourée de remparts à l'époque romaine, ne sont pas définies avec précision, mais il semble qu'elle occupait une surface de 25 hectares environ.
Thugga représente dans le Nord-Ouest de la Tunisie, un exemple caractéristique de la rencontre de trois civilisations :
- Numide : Par les nécropoles protohistoriques, le temple de Masinissa, le mausolée libyco-punique, les inscriptions publiques en libyque.
- Punique : Par la langue (inscriptions libyco-puniques), les institutions (le suffétat), des vestiges monumentaux ; en effet, le plan de certains temples d'époque romaine semble hérité de
traditions puniques (Temples de la Concorde, de Mercure, de Saturne et de Tellus).
- Romaine : Dans une région où l'empreinte romaine était très forte, Thugga est un modèle du développement urbain que connut l'Afrique sous l'Empire, et de l'adoption progressive
du style de vie romain dans les institutions, la langue, la vie matérielle et dans de multiples aspects culturels.
Le théâtre
Construit en 168 ou 169 après J.-C., c'est un édifice de dimensions relativement modestes (63,50 mètres de diamètre), mais bien conservé (restauration de Louis Poinssot) ; il pouvait accueillir 3500 spectateurs. Comme la plupart des théâtres romains, la cavea (ensemble de gradins), haute ici de 15 mètres, est divisée en trois étages (mæniana) par des galeries de circulation (præcinctiones) jadis protégées par une balustrade ; un portique à arcades la couronnait qui rejoignait, sur les côtés, le mur de scène aujourd'hui disparu. Un velum, tendu sur un réseau de cordages, protégeait peut-être les spectateurs.
Sur l'entablement de la colonnade, jadis à deux étages, qui précède le mur de scène, une dédicace indique que le théâtre a été offert à sa ville par un citoyen désireux de marquer sa
reconnaissance pour la dignité de flamine perpétuel qui lui a été octroyée.
Trois renfoncements à la colonnade marquent l'entrée à la scène : au centre se trouvait " la porte royale " ; côté " cour ", la porte " ville " ; côté " jardin ", la porte " étranger ".
En arrière de la scène, un portique couvert à colonnes corinthiennes formait la façade Sud et servait de promenoir.
Séparée de l'orchestre par un mur bas (pulpitum) creusé de niches ornées jadis de statues ou de fontaines, la scène, revêtue de mosaïque blanche, est construite au-dessus d'un sous-sol qui
servait à la machinerie.
Le Capitole (1)
Construit en 166 ou 167 après J.-C., exceptionnellement bien conservé, il est un des plus beaux monuments romains de ce type en Afrique du Nord. Dédié à la triade Jupiter, Junon et Minerve, il se compose d'un sanctuaire précédé d'un portique où l'on accède par un escalier monumental partant d'un passage dallé, l'area ante Capitolum, qui relie la place de la Rose des Vents au forum.
Le portique conserve ces six colonnes cannelées dont seules les quatre de la façade sont monolithes.
Les chapiteaux corinthiens qui les surmontent, d'un fort beau travail, supportent une frise avec dédicace à la triade capitoline, rappelant qu'il fut construit aux frais de deux donateurs.
Sur le tympan du fronton, un bas-relief représentant un homme enlevé par un aigle figure l'apothéose de l'empereur Antonin le Pieux.
La cella, presque carrée (13 mètres x 14 mètres), conserve au fond une grande niche qui contenant une statue colossale de Jupiter et deux niches latérales qui abritaient celles de Junon et Minerve. Au sous-sol se trouve une crypte divisée en trois nefs qui a peut-être servie d'église ; on y découvrit la tête de la statue de culte de Jupiter, en marbre blanc, qui devait atteindre 6,50 mètres.
Le temple de Junon Cælestis
Dédié à Junon Cælestis et construit entre 222 et 235, sous Sévère Alexandre, il bénéficie aujourd'hui d'un beau cadre d'oliviers séculaires. Il se dresse au milieu d'une cour en hémicycle, fermée
par un mur bordé d'un portique se terminant de chaque côté par un pilier massif orné d'un pilastre et d'une niche.
Au centre de l'hémicycle, surélevé, le sanctuaire était entièrement entouré de colonnes ; la restauration de M. Louis Poinssot permet d'admirer la belle ordonnance du péristyle qui précède la
cella et dont les fûts lisses, en calcaire, supportent des chapiteaux corinthiens.
Le Temple de Dar el Acheb (13)
L'édifice dénommé Dar El Acheb (maison de Lacheb) n'a pas été clairement identifié, même certains optent pour un sanctuaire dédié à Esculape.
Il a été construit entre 164 et 166 et se trouve donc contemporain du Capitole, situé à 50 mètres de là. La porte d'accès à l'édifice est parfaitement préservée ainsi que l'une des colonnes d'un
porche d'entrée. L'intérieur consiste en une cour bordée anciennement de portiques. Au Sud se situe la cella d'un temple entièrement disparu.
Les thermes Liciniens (21)
Ils furent construits au III° siècle et transformés au IV° siècle. C'était des thermes d'hiver où l'on accédait par une entrée se trouvant au Nord, sur la rue menant à la place de la Rose des Vents.
Très bien conservés, ils sont, malgré un emplacement peu favorable et la déclivité du terrain, construits sur un plan à peu près régulier respectant les impératifs de répartition symétrique des
salles autour du frigidarium (F) et du caldarium (C).
De l'entrée principale, on descend par un grand escalier dans une salle entourée d'un portique à douze colonnes et dont le sol est décoré d'une mosaïque à décor géométrique.
A la suite, un vestibule donne accès, à gauche, au frigidarium qui occupe le centre de l'édifice. Un autre vestibule conduit à la palestre également entourée d'un portique et qui, en raison de la topographie, ne dispose pas d'un accès direct. Il faut revenir au frigidarium pour passer, par l'intermédiaire d'une salle tiède (tepidarium (T)), dans le grand caldarium orienté au Sud pour bénéficier au maximum du soleil ; à droite et à gauche du caldarium se trouvent deux tepidaria plus petits, deux descrictaria/sudatoria (S), salles chaudes où l'on se raclait la peau à l'aide d'un strigile/salle humides chauffées par hypocauste, et deux étuves sèches, ou Iaconica, chauffées à l'aide d'un braséro et destinées à provoquer une sudation intense.
La datation proposée pour la construction des thermes d'Aïn Doura est la fin du II° siècle et le début du III° siècle, selon le style des mosaïques retrouvées, avec une phase de réaménagement du seul décor mosaïcal au IV° siècle.
Le mausolée lybico-punique est le seul grand monument de ce style qui soit parvenu jusqu'à nous ; il emprunte sa décoration à l'art hellénique archaïque et à des motifs orientaux
ou égyptisants. Il a été construit à la fin du III° siècle, ou au début du II° siècle avant J.-C., pour servir de sépulture à un chef numide du nom d'Ateban.
Mausolée lybico-punique - Thermes d'Aïn-Doura - Thermes des cyclopes
Temple de Saturne - Arc de Septime Sévère
l'arc à une baie dédié en 205 à Septime Sévère, Caracalla, Julia Domna et Géta (18)
L'arc s'élève au-dessus d'une voie au parcours irrégulier qui part des Thermes des Cyclopes et descend vers la vallée pour rejoindre la grande route reliant Carthage à Théveste.
Dimensions :
- Largeur totale : 12,55 mètres
- Epaisseur : 2,90 mètres ; 6,00 mètres, piédestaux compris.
- Largeur de la baie : 4,79 mètres
- Hauteur du soubassement : 2,10 mètres
La hauteur totale ne peut être restituée qu'approximativement, autour de 13 mètres.
Sources
Textes :
Anne-Marie Leydier-Bareil, Les arcs de triomphe dédiés à Caracalla en Afrique romaine, Thèse, 2006
"Tunisie", Les Guides bleus, Hachette, 1977
Textes/Plans :
Dougga, fracademic.com
Plans :
Frank Sear, Roman theatres - An Architectural Study, Oxford University Press, 2006
Yvon Thébert, Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Publications de l'École
française de Rome, 2003
Photos : 1978 - 1985