La ville de Baalbek, située au pied du versant sud occidental de l'Anti-Liban, se trouve à 85 kilomètres de Beyrouth. Elle se positionne à une altitude de 1150 mètres, en bordure de la riche plaine de la Békaa, l'antique Cœlé-Syrie. Son emplacement entre les deux grandes régions civilisées de l'Antiquité, entre Nil et Euphrate, était hautement stratégique. La cité se trouva ainsi sur une principale voie de passage des caravanes marchandes sillonnant les routes entre la Mésopotamie, l'Egypte et toute la Méditerranée orientale.

L'abondance de l'eau, favorisée par la présence de deux sources, l'une au sud-est de la ville (Ras el-Aïn) et l'autre à l'est (Aïn Lajouj), encouragea les caravaniers à faire halte dans ces lieux. Les commerçants venant des cités côtières et en partance vers l'arrière-pays afin de vendre ou échanger leurs produits et marchandises, profitaient également de cette escale à mi-chemin.

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Dans cette cité de l'intérieur phénicien, construite sur un tell, loin de ses sœurs maritimes perchées sur les promontoires rocheux de la côte, la religion avait aussi son rôle dans la vie quotidienne. Les hommes cherchaient la protection des dieux les guidant durant leurs déplacements. Le culte religieux à Baalbek était dédié, à l'instar des autres cités, à une triade locale, à sa tête, le dieu Ba'al-Hadad, dieu sémitique de l'orage et la tempête, régénérateur de la fertilité de la terre. Il pouvait envoyer la pluie, provoquer la sécheresse ou même les inondations, donnant ainsi, selon certains historiens son nom à la ville : "Seigneur de la ville' (Ba'al = Seigneur, Bek = ville), "Seigneur de la Békaa'" (baki = Beqa') ou "Seigneur de la source" (nebek = source). A côté de Ba'al-Hadad trônait la déesse Atargatis, déesse-mère syrienne et un jeune dieu (un Adonis local) de la végétation et des troupeaux.


Au cours de l'époque hellénistique (333-64 avant J.-C.), sous l'influence des Ptolémée, les cultes de Baalbek furent solarisés. Ba'al fut identifié au dieu égyptien Rê (soleil) et au dieu grec Hélios donnant ainsi à la ville le nom d’Héliopolis, "la cité du soleil", comme la grande métropole égyptienne.

En 65-64 avant J.-C. la Phénicie entre dans la sphère romaine. Les territoires de l'intérieur restèrent sous l'autorité des tétrarques de Chalcis du Liban, jusqu'au courant du Ier siècle après J.-C., vers le règne de Vespasien (69-79), où toute la Phénicie fut désormais administrée depuis Antioche. Toutefois, à partir de l'an 15 avant J.-C., Baalbek-Héliopolis fut incorporée au territoire de la "Colonia Julia Augusta Felix Berytus" échappant ainsi à l'autorité des princes indigènes. Elle continua cependant d'entretenir des bonnes relations avec les tétrarques de Chalcis qui contrôlaient l'accès méridional pour les pèlerins venant de Palestine, d'Arabie et de Damascène.

 

Baalbek : la Qalaa et ses abords (Plan d’après van Ess 1998)
Baalbek : la Qalaa et ses abords (Plan d’après van Ess 1998)

Peu de temps après l'établissement de la colonie militaire romaine, vers 16 avant J.-C., à l'époque d'Auguste (27 avant J.-C.- 14 après J.-C.) les Romains décidèrent de donner à ce centre de culte local, un cadre classique grandiose, affichant ainsi la grandeur de Rome dans cette nouvelle région conquise. Ainsi débuta la construction du temple tel que nous le connaissons à travers ses ruines actuelles. L'entreprise, colossale par ses desseins, avait besoin de quelques siècles pour se concrétiser dans son intégralité. Le temple de Jupiter (4), premier des temples de la triade, fut construit en plusieurs étapes. Il était déjà bien avancé sous Néron (54-68) lorsque commença l'édification de la tour-autel qui le précède. C'est Trajan (98-117) qui, lors d'une visite à Baalbek en 100, lança l'aménagement de la grande cour (3). Elle ne fut terminée que près d'un siècle plus tard après qu'Antonin le Pieux (138-161) entreprit l'érection du temple de Bacchus (5). L'ensemble des trois temples (Jupiter, Bacchus et Vénus) fut inauguré au III° siècle sous les Sévères.

Long de 270 mètres et large de 120 mètres, le grand sanctuaire de la Qalaa comporte, sur un axe Est-Ouest, une avant-cour semi-circulaire dallée et cernée d’un parapet, trois volées d’escalier, des propylées (1) monumentaux flanqués de deux tours, une cour hexagonale (2) hypèthre bordée de portiques et d’exèdres, une grande cour (3) rectangulaire également bordée de portiques et d’exèdres, où prennent place deux autels-tours flanqués de deux colonnes isolées et de deux bassins, et enfin un temple (4) périptère pseudo-diptère, posé sur un haut podium précédé de trois volées d’escalier. Des cryptoportiques sont aménagés sous les propylées et sous les deux cours. Cet ensemble monumental, qui compte parmi les réalisations architecturales les plus imposantes de l’Empire romain, correspond à l’état du site au milieu du III° siècle après J.-C.. Comme le suggère Henri Seyrig, Rome a pu prendre part au financement du chantier du grand sanctuaire qui, comme celui du petit temple (5), dépasse les possibilités d’une simple cité et même de la province romaine de Syrie ; en particulier, elle seule peut assumer le coût et le transport vers la Békaa des cent quatre-vingt-six colonnes de granite rose provenant des carrières impériales de Syène (Shellal, au Nord d’Assouan (Haute-Egypte)). Sous Caracalla, trois dédicaces affichées sur les bases de colonne des propylées assurent que Jupiter, Vénus et Mercure font ici l’objet d’un culte commun en leur qualité de dieux héliopolitains.


 

(1-2) Les propylées et la cour hexagonal

 

Les propylées sont un vestibule à colonnes formant l’entrée aux sanctuaires. Un escalier monumental bâti par les archéologues allemands entre 1900 et 1904 permet aujourd’hui d’accéder aux propylées de Baalbek. Ceux-ci sont constitués de 12 colonnes de granit et de bancs de pierres blanches. Autrefois, trois portes s’érigeaient au niveau du portique. Une porte principale consacrée à l’entrée du clergé et deux portes latérales dédiées à l’accès du peuple.
Les propylées conduisent à la cour Hexagonale. Cet espace à la forme d’étoile orientale, construit au III° siècle après J.-C. était destinée au recueillement des fidèles. Elle était autrefois entourée de portiques et comportait des exèdres (salles de conversation semi-circulaire) richement décorés.  Mais la Cour Hexagonale était aussi un espace d’attente avant d’accéder à la Grande Cour. Celle-ci, réservée aux rites de purification et aux sacrifices, comportait deux bassins pour les ablutions et deux grands autels.


 

(3-4) Grande cour et Temple de Jupiter

 

De la grande cour, la plus immense du sanctuaire (135 x 113 mètres), on monte un escalier à trois volées afin d'accéder au sanctuaire, ou le saint des saints, qui préservait la statue du dieu Jupiter-Héliopolitain, dominant l'ensemble par ses dimensions grandioses. De ce temple il ne subsiste que 6 colonnes, hautes de 20 mètres (base et chapiteau compris), d'un diamètre de 2,20 mètres (le fût en trois tambours), supportant un entablement de plus de 5 mètres surmonté d'une architrave décorée d'une frise avec des têtes de taureaux et de lions réunis par des petites guirlandes.


Baalbek : Plan du Temple de Bacchus
Baalbek : Plan du Temple de Bacchus

 

(5) Le Temple de Bacchus

 

Un peu moins grand que le temple de Jupiter, celui de Bacchus est le mieux conservé du site. Construit au II° siècle après J.-C., ce temple est impressionnant avec son portail monumental de 13 mètres de haut et 6,50 mètres de large. Il se dresse sur un podium de 5 mètres de haut, on y accède par un escalier de 33 marches. C'est un temple périptère de 69 mètres de long sur 36 mètres de large, avec un péristyle entourant la cella (8 colonnes en façade et 15 sur les côtés) et un pronaos décoré de 8 colonnes cannelées. Les colonnes, bases et chapiteaux, font 19 mètres de hauteur, supportant un entablement avec des frises décorées de protomés de lions et de taureaux. Le plafond à caissons est enrichi d'éléments de décor empruntés au répertoire ornemental gréco-romain.

A l'intérieur du temple des colonnes engagées à chapiteaux corinthiens alternent avec des niches superposées (à frontons circulaires dans la rangée du bas et fronton triangulaires pour les niches du haut) contenant jadis les statues des divinités honorées. Au fond du temple, nous retrouvons un adyton où trônait la statue du dieu. Le culte était centré autour d'un jeune dieu (un Adonis local) de la végétation et de la renaissance perpétuelle de la nature. Du vin et d'autres drogues, comme l'opium, étaient utilisés par les fidèles dans le but d'atteindre l'extase. Les représentations décoratives de vignes et pavots laissent supposer l'attribution de ce temple au dieu Bacchus.


 

(5) Temple de Bacchus : Pourtour extérieur

 

(5) Temple de Bacchus : Entrée


 

(5) Temple de Bacchus : Détail du linteau de la porte d'entrée (Soffite ou Face inférieure)

Baalbek : Temple de Bacchus - Clé de voûte du linteau de la porte d'entrée du pronaos
[NB071-1973-13] Baalbek : Temple de Bacchus - Clé de voûte du linteau de la porte d'entrée du pronaos
Baalbek : Temple de Bacchus - Pierre à droite de la clé de voûte du linteau de la porte d'entrée du pronaos
[NB071-1973-14] Baalbek : Temple de Bacchus - Pierre à droite de la clé de voûte du linteau de la porte d'entrée du pronaos
Baalbek : Temple de Bacchus - Dessin partiel du soffite du linteau de la porte d'entrée du pronaos
Baalbek : Temple de Bacchus - Dessin partiel du soffite du linteau de la porte d'entrée du pronaos

 

(5) Temple de Bacchus : Pronaos

 

(5) Temple de Bacchus : Détails, au sol, de morceaux du plafond à caissons


 

Carrière et mégalithe

 

Au cours de l'époque hellénistique (333-64 avant J.-C.), la cour de l'ancien temple fut modifiée et agrandie et l'on décida la construction d'un podium à son extrémité Ouest, destiné à porter un temple à la mode grecque. Comme la cour se trouvait déjà surélevée par rapport au niveau de la plaine environnante, il aurait fallu que le podium soit assez solide pour supporter une construction à la mesure de la cour (135 x 113 mètres). Le transport et l'alignement de trois blocs de 750 tonnes (le Trilithon) à la base du mur Ouest est probablement antérieur à la période hellénistique, aucune étude scientifique n'a pu dater exactement la période de taille de ces blocs.

 

Deux autres blocs, dont le poids de chacun est estimé à plus de 1 500 tonnes, sont toujours sur place dans la carrière non loin du temple.

 

Une question se pose toujours aujourd'hui chez les spécialistes, les ingénieurs et les archéologues :

Comment ce peuple et, en particulier, à cette époque a pu transporter et placer ces blocs ?

Une légende locale évoquait la présence d'extraterrestres, des Djinns ou des géants qui auraient aidé à la construction de ce temple.


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Sources

Textes :

Baalbek, pheniciens.com

Baalbek, un site exceptionnel entre temples, ruines et propylées, kawa-news.com

 

Texte/Plan :

Julien Aliquot, La Qalaa et ses abords, La Vie religieuse au Liban sous l'Empire romain, Presses de l’Ifpo

 

Plan/Dessin :

Plan du temple de Bacchus

Henri Seyrig, Antiquités syriennes, Syria (Tome 39, fascicule 3-4,  pp. 193-211), 1962

 

Photos (Jacques et Simon VONBANK) : 1973