L'autel servait aux sacrifices publics lors desquels près de 350 taureaux pouvaient être mis à mort en une seule journée. Ce type d'autel était répandu dans la civilisation hellénique. Longue de 200 mètres, cette structure monolithe taillée dans le roc était la plus vaste de la Magna Graecia, et même s'il n'en reste que les fondations (les Espagnols en pillèrent les pierres de sa partie supérieure en 1526 pour construire le port et les fortifications de la ville), ces dernières témoignent de sa taille impressionnante.

Chez les Grecs, c'est l'autel qui est au cœur des cérémonies, conformément aux nécessités d'un rituel qui remonte au temps des héros homériques. Les dieux attendent des hommes prières, offrandes et sacrifices. En retour, ils accèdent aux demandes des fidèles et leur accordent leur bénédiction.

Le sacrifice suprême est sanglant. Les participants, comme déjà les Troyens de l'Iliade, se rassemblent sur une esplanade et « disposent l'illustre hécatombe autour d'un bel autel ». Les victimes animales sont en effet égorgées au pied d'un autel sur lequel brûle le feu qui les consumera entièrement ou en partie. La fumée qui monte vers les cieux est la nourriture appréciée des dieux.

C'est donc l'autel, situé en plein air, qui joue un rôle fondamental dans le culte rendu aux dieux, et non le temple. L'autel est nécessaire et même suffisant dans les sanctuaires. Il peut, comme à Olympie, précéder le temple de plusieurs siècles.

S'il est souvent en pierre et de proportions imposantes — à Syracuse, en Sicile, le tyran Hiéron II fera construire au III° siècle avant J.-C. un autel d'une longueur proche de 200 mètres —, il peut également être constitué de matière périssable. L'autel d'Apollon à Délos avait été construit avec les cornes des chèvres sacrifiées. L'autel de Zeus à Olympie était constitué des cendres accumulées des victimes. Pausanias, le voyageur infatigable, le décrit comme un cône de 37 mètres de circonférence à la base, pour une hauteur de près de 7 mètres.

Hécatombe : nom féminin (en latin, hecatombe), vient du grec hekatómbê, de hekatón, cent, et de boûs, bœuf >>> Sacrifice de cent bœufs

En face, à l'Ouest de l'autel, s’étendait un grand portique en forme de U avec 64 colonnes sur chaque côté et 14 colonnes sur sa largeur, et un bassin au centre. Sa destination n'est toujours pas connue !

Charles Diehl, historien et spécialiste de l'Empire byzantin, décrivait ainsi ce monument en 1907 :

Tout auprès du théâtre se trouvent les restes du grand autel construit par Hiéron II. En avant de la plupart des temples de Sicile, on voit, à Sélinonte, à Agrigente, les traces d'un autel destiné aux sacrifices.
Celui d'Hiéron avait le même objet, mais il dépassait tous les autres par ses proportions colossales. C'était une longue et étroite plateforme de 200 mètres sur 23 ; sa hauteur dépassait 10 mètres. Deux terrasses superposées le composaient, auxquelles on montait par des escaliers ménagés aux deux extrémités : un large soubassement de plusieurs degrés mettait en valeur le monument. Un entablement à la corniche fortement moulurée couronnait le mur des terrasses, et y disposait la parure de ses triglyphes doriques ; dans les murailles, des niches étaient ménagées pour recevoir des bas-reliefs et des offrandes votives. Mais on ignore à quel dieu était dédié ce magnifique monument.

Un peu d'histoire ...

Lorsque le roi d’Épire, Pyrrhus, quitte la Sicile en 276, les habitants de Syracuse nomment Hiéron chef de l’armée (stratège). Ce dernier conforte sa position en épousant la fille de Leptines, un notable de la ville. Avant ces événements, les Mamertins, mercenaires de Campanie privés de solde depuis la mort d’Agathocle, l’ancien tyran de Syracuse qui les avait employés, ont capturé la forteresse de Messine et en ont chassé les Syracusains en 285.

En 269, Hiéron les écrase au cours d’une bataille rangée près de Myles, mais les armées carthaginoises interviennent pour l’empêcher de prendre Messine. Ses compatriotes reconnaissants choisissent Hiéron comme roi vers 265. Quand il attaque de nouveau Messine, en 264, les Mamertins se détournent de Carthage pour demander l’aide de Rome, déclenchant ainsi la première guerre punique (264-241 avant J.-C.). Hiéron rejoint alors le chef carthaginois Hannon qui vient de débarquer en Sicile, mais ils sont battus par le consul romain Appius Claudius Caudex, et Hiéron se retire à Syracuse.

Sous la pression des troupes romaines, il est forcé de conclure un traité avec Rome en 263, accord qui réduit son royaume au Sud-Est de la Sicile et à la côte Est jusqu’à Tauromenium (Taormine). Jusqu’à sa mort, il reste loyal aux Romains, leur fournissant souvent soldats et ravitaillement pendant les guerres puniques.

Hiéron entretient une flotte de défense puissante et fait appel à un parent célèbre, le Grec Archimède, pour la construction de dispositifs mécaniques ingénieux servant à la défense de la ville. Le système d’imposition de Hiéron, considéré comme un modèle du genre, est conservé par les Romains en 241 quand ils annexent la Sicile, qui devient la première province romaine. Grâce à cette alliance, Hiéron assure la prospérité de Syracuse entre les deux premières guerres puniques.

Sources

Textes :

hécatombe, fr.wiktionary.org

Hièron II Le Jeune (env. 306-215 av. J.-C.) tyran de Syracuse (270-215 av. J.-C.), universalis.fr

Les Hécatombes sur l'autel de Hiéron II, foucautalain9.wixsite.com

Les lieux de l'indicible, Sophie Descamps-Lequime, Le Courrier de l'Unesco, 11/1990

Les villes d'art célèbres, Palerme et Syracuse, Charles Diehl, H. Laurens Editeur, 1907

Neapolis – Parc archéologique de Syracuse, sicile-sicilia.net

Sicile, Les guides de voyage, National Geographic, 2005

Sicile, GeoGuide, 2005

Tyran, larousse.fr

Plan :

Sicile , Guides-Voir, Hachette, 2003

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