A quelques kilomètres au Nord de Dougga, dans le fertile pays de Rihana, sur le flanc d'une éminence de faible altitude qui domine la rive droite de l'oued Arkou, émergent des vestiges archéologiques qui, à première vue, ne sont pas d'un grand intérêt.

 

Le site qui les renferme porte le nom de Henchir ed-Douamis ou le site des souterrains, nom qui semble tiré des grandes citernes antiques dont les ruines éventrées ont été visibles de tout temps.


Le seul monument debout que l'on pouvait voir est la modeste zaouia (marabout) de Sidi Salah petite construction carrée formée d'une salle ouvrant vers le Nord, surmontée d'une coupole et devant laquelle s'étend un minuscule cimetière moderne clôturé par un muret de pierres sèches.

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Henchir Douamis - Uchi Maius : Zaouia (marabout) de Sidi Salah - Proconsulaire
[034-1983-28] Henchir Douamis - Uchi Maius : Zaouia (marabout) de Sidi Salah

C'est à cet endroit que, à la fin du XIX° siècle, grâce à des inscriptions latines dont certaines ont été retrouvées en place, l'on a pu localiser la ville antique d'Uchi Maius que Pline l'Ancien mentionne en tant que oppidum  civium Romanorum et qui a été déduite colonie par l'empereur Sévère Alexandre en l’an 230 après J.-C. sous le nom de colonia Alexandriana Augusta Uchitanorum Maiorum et appelée aussi colonia Mariana augusta alexandriana Uchitanorum Maiorum. D'après ce même auteur, il existait une autre Uchi qualifiée de Minus qui était elle aussi oppidum civium Romanorum. Celle-ci vient d'être identifiée récemment à quelques kilomètres au Sud de Henchir ed-Douamis, au lieu-dit Henchir el Khima. Visitée par Julien Poinssot dès 1883, et explorée plus méthodiquement deux années plus tard, en 1885, par René Cagnat et Salomon Reinach, le site de Henchir ed-Douamis va susciter l'intérêt et attirer l'attention des savants, surtout pour sa collection épigraphique. Ceux-ci vont se succéder pour le visiter, mais aucun d'eux ne pensa à y entreprendre des fouilles. Tous se contentèrent de revoir les ruines et de contrôler la lecture des inscriptions. C'est à un amateur, un militaire en poste à Borj Messaoudi, le capitaine Gondouin, qu'est revenu le mérite d'effectuer les premières investigations de terrain. Les résultats de ses recherches ont été publiés en 1908 par L. Poinssot et A. Merlin dans un ouvrage intitulé Les inscriptions d'Uchi Maius d'après les recherches du capitaine Gondouin. Dans l'introduction de cet ouvrage, ils ont écrit : « Après les brillantes trouvailles du début, les découvertes étaient devenues de plus en plus rares », ce capitaine au 4° tirailleur (le capitaine Gondouin) « eut le mérite de montrer par son exploration minutieuse de la ville (d'Uchi Maius) et des agglomérations voisines, que la mine était loin d'être épuisée ». Puis, curieusement, cette « mine qui était loin d'être épuisée » n'attira plus l'attention, et malgré sa proximité avec le site de Dougga, ou plutôt à cause d'elle, le site tomba dans un oubli qui allait durer plus de trois quarts de siècle. Il a fallu attendre le début des années 90 du siècle dernier pour voir un regain d'intérêt pour ce site et la reprise des études sur l'histoire et les vestiges archéologiques et épigraphiques de la cité d'Uchi Maius.

 

A propos du nom de la ville, il a été démontré que son second élément, l'adjectif Maius est bien d'origine latine, le premier élément, Uchi, étant, quant à lui, libyque. Ce n'est pas pour autant une donnée suffisante pour attribuer une fondation préromaine à la cité. Bien que, à ce jour, ni l'archéologie, ni l'épigraphie ne sont venues la corroborer, celle-ci ne fait pourtant aucun doute. Tant la céramique - des tessons datables du IV° siècle et surtout du III° siècle avant J.-C. recueillis en quantité non négligeable - que le contexte historique régional autorisent à proposer sans grand risque d'erreur que, comme c'est le cas pour les autres cités antiques de la région, de dater la fondation d'Uchi Maius au plus tard de la fin du VI° siècle avant J.-C..

 

Comme l'on sait, la première province romaine en terre africaine a été constituée en 146 avant J.-C. avec le territoire de Carthage, la métropole punique, que les soldats de Scipion venaient de détruire. La frontière occidentale de cette provincia Africa passait à quelques kilomètres à l'Est d'Uchi, à jbel Echhid, juste en face des cités d'Agbia, Thugga et Thubusicu Bure ! En 146, le royaume de Micipsa, fils et successeur de Massinissa, grand allié de Rome dans sa guerre contre Carthage, est resté, en effet indépendant. Juste pour un siècle encore. Exactement jusqu'à l'année 46 avant J.-C., date de son annexion par Rome et de sa transformation en une deuxième province romaine en Afrique du Nord la provincia Africa nova. Mais entre temps, les Romains usant et abusant de leur supériorité militaire et de leur toute nouvelle hégémonie sur les deux rives de la Méditerranée ne se sont pas privés d'agir en maîtres dans des régions non encore formellement annexées. En 103 avant J.-C., au lendemain de la défaite du roi numide Jugurtha, par la volonté de Marius, son vainqueur, et en application de la Lex Appuleia Saturnina, il fut procédé à quatre endroits différents - Uchi qui sera qualifiée de Maius plus tard, Musti, Thibaris et Thuburnica - à l'installation viritim de colons romains et gétules, vétérans des armées du général vainqueur.

Henchir Douamis - Uchi Maius : Plan général du site
Henchir Douamis - Uchi Maius : Plan général du site

D'une superficie d'une vingtaine d'hectares, le site présentait peu de ruines visibles. On ne connaissait des vestiges archéologiques que les deux groupes de citernes, le pied droit d'un arc situé à la lisière Ouest des ruines, la muraille d'époque tardive et de nombreuses inscriptions latines. À cela s'ajoutent d'autres vestiges non identifiés qui parsèment çà et là le terrain. Les investigations entreprises par le capitaine Gondouin ont permis d'identifier le forum et d'en fouiller une partie. L'épigraphie uchitaine a fait connaître un certain nombre d'autres monuments qui composaient la parure de la ville dont certains restent à découvrir ou à identifier avec certitude. Les inscriptions mentionnent en effet :

- un temple de Saturne édifié pour le salut de l'empereur Nerva par l'affranchi Q. Urvinius Q. lib. Callistus,
- un temple d'Esculape - en opus quadratus précise la dédicace - offert par L. Sollonius P.f. Am. Lupus Marianus,
- un monument non identifié offert par un prêtre des Cereres de l'époque d'Antonin le Pieux,
- un temple anonyme restauré sur ordre du proconsul d'Afrique de l'année 173 après J.-C.,
- un arc en l'honneur de Sévère Alexandre, le conditor coloniae,
- un arc en l'honneur de l'empereur Gordien III et de sa femme Sabinia Tranquillina,
- un temple de la Piété Auguste édifié par la colonie pour le salut de l'empereur Gordien III.


À cette liste de huit monuments dont quatre temples et deux arcs honorifiques, il faut ajouter deux autres.

- Le premier est un temple de Roma Aeterna dont l'existence peut être déduite de l'attestation à Uchi Maius d'un sacerdos Urbis Romae Aeterna mentionné dans une inscription nouvelle.

- Le second monument est lui aussi un édifice cultuel païen avec un pronaos et une citerne construit aux frais d'un magister pagi, en l'honneur de son élévation à cette magistrature.


Mais ce qui caractérise désormais le site de Henchir Douamis après les découvertes réalisées dans le cadre du programme de coopération tuniso-italien est le grand nombre d'huileries datant dans leur grande majorité de l'époque vandale et illustrant ainsi de manière éclatante la ruralisation des villes antiques de la région et l'invasion de l'espace public représenté par excellence par le forum par les activités de production de l'huile. Parmi les résultats notables de ce programme, il y a lieu de mentionner aussi l'attestation d'une occupation partielle du site durant les premiers siècles de la période islamique qui démontre que le lieu était encore habité et que la région n'avait pas été désertée.

Mustapha Khanoussi


Description des lieux effectuée par des voyageurs de la fin du XIX° siècle

 

"Au Sud, en avant de l'enceinte, sur le coteau qui descend vers l'oued ech-Chouk, s'érige un arc de triomphe, dont les pieds-droits seuls sont encore en partie debout, mais dont les autres éléments sont écroulés sur place. Chaque pied-droit était décoré sur ses deux faces d'une niche rectangulaire comprise entre deux pilastres corinthiens cannelés que précédaient deux colonnes également corinthiennes formant avant-corps."

 

"De la porte de l'Ouest, la moins maltraitée, il ne reste qu'un des pieds-droits, orné d'une niche qu'encadraient deux pilastres cannelés.

La hauteur des restes de cette porte atteint 6 mètres. Elle était construite en grosses pierres de taille ; chaque pied-droit était orné de deux pilastres corinthiens cannelés précédés de deux colonnes plus grandes, dont il ne subsiste qu'une base."


Henchir Douamis - Uchi Maius : Thugga et Thubursicum Bure dans le Nord de la Proconsulaire
Henchir Douamis - Uchi Maius : Thugga et Thubursicum Bure dans le Nord de la Proconsulaire

Nord de l'Afrique proconsulaire

(environs de Uchi Maius - Henchir Douamis)

 

Calama (Guelma)

Hippo Regius (Annaba)

Hadrumetum (Sousse)

Kairouan

Karthago (Carthage)

Madauros (M'daourouch)

Neapolis (Nabeul)

Sicca Veneria (El Kef)

Sufetula (Sbeïtla)

Thabraca (Tabarka)

Theveste (Tébessa)

Thubursicum Bure (Téboursouk)

Thugga (Dougga)

Uzappa (Ksour Abd-el-Melek)

Vaga (Beja)


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Sources

 

Texte :

La Tunisie antique et islamique : Patrimoine archéologique tunisien, Samir Guizani - Mohamed Ghodhbane -

                                                                                                                                                     Xavier Delestre, Éditions Nirvana, 2018
 

Texte/Dessin :

Uchi Maius 1, Mustapha Khanoussi - Attilio Mastino, Editrice Democratica Sarda, Sassari 1997

 

Cartes :

Dougga : le portique de Gallien et la fondation de la colonie (261/265), Louis Maurin et Samir Aounallah

Nouvelles découvertes archéologiques et épigraphiques à Uchi Maius (Henchir ed-Douâmis, Tunisie),

                                                 Mustapha Khanoussi - Attilio Mastino, Comptes rendus des séances de l'Académie des

                                                 Inscriptions et Belles-Lettres, 144ᵉ année, N. 4, 2000

 

Photos : 1983