La ville de Nicosie était le siège des rois de Chypre à partir de 1192. Elle devint possession des Vénitiens en 1489, puis des Turcs en 1571.
Depuis 1958, la partie turque de la ville s'érige en une municipalité indépendante, reconnue par l'article 173 de la Constitution de la République de Chypre.
Nicosie fut la scène d'une violence extrême pendant la période qui a précédé l'indépendance, et depuis l'intervention de l'armée turque en 1974, le secteur Nord de la ville a été intégré à la république autoproclamée de Chypre du Nord dont elle est la capitale (Lefkosía), séparée du reste de l'île par la zone-tampon des Nations unies renommée « ligne verte ».

Les tombeaux des rois Lusignan sont dans l'ancienne cathédrale Sainte-Sophie, devenue aujourd'hui la mosquée Aya Sofya (Sainte-Sophie). La ville possède également des restes de fortifications vénitiennes.

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En août 1954, le monument a été rebaptisé Selimiye Camii (« mosquée Selimiye ») en l'honneur du sultan Selim II (1566-1574) qui régnait à l'époque de la conquête de Chypre.

 

L'ancienne cathédrale Sainte-Sophie ainsi que sa voisine, l'ancienne église Saint-Nicolas, se situent aujourd'hui dans la partie turque de Nicosie.


Nicosie - Agia Sophia : Plan de la cathédrale Sainte-Sophie - Chypre
Nicosie - Agia Sophia : Plan de la cathédrale Sainte-Sophie

Cathédrale latine Sainte-Sophie


L’île de Chypre était une possession byzantine lorsque Richard Cœur de Lion, lors de la troisième Croisade en 1191, l’envahit. L’année suivante, celui-ci la vendit à Guy de Lusignan (1192-1195). En 1197, Chypre fut constituée en royaume par l’empereur Henri VI (1191-1197). Aimery (1195-1205), frère et successeur de Guy et futur roi de Jérusalem, devint alors le premier souverain de la dynastie des Lusignan ; celle-ci régna sur Chypre jusqu’en 1489.

Quatre évêchés furent définis et l’on commença à bâtir leur cathédrale. Celle de Nicosie, capitale de l’île, devint siège de l’archevêché latin ; c’est elle qui accueillera le sacre des rois. Toutefois, la première campagne de construction de cette église n’a probablement pas débuté avant 1209, et l’essentiel des travaux, concernant toute la partie orientale de l’église jusqu’à la cinquième travée, fut réalisé sous l’archevêque Eustorge de Montaigu (1215/1217-1250). L’église intégra des réemplois tels que les quatre colonnes et deux des chapiteaux utilisés dans le sanctuaire, provenant peut-être d’une église byzantine.

Le choix du vocable de l’église, extrêmement fréquent dans le monde byzantin, s’explique si on suppose que le clergé latin utilisa dans un premier temps la cathédrale grecque dédiée elle aussi à sainte Sophie, c'est-à-dire à la sainte Sagesse. Il est même possible que l’église gothique fût construite sur l’emplacement de la Sainte-Sophie byzantine.

Lors de la deuxième campagne, attribuable peut-être à l’archevêque Hugues de Fagiano (1251-1269), le plan initial fut poursuivi sans grand changement de style ou de conception. On bâtit alors la quatrième travée, mais les travaux furent arrêtés brusquement, laissant la troisième inachevée.

L’essentiel de la troisième campagne fut réalisé entre 1319 et 1326, date de la consécration de l’église, par l’archevêque Jean Conti (1312-1331). On lui doit toute la partie occidentale de l’église. Toutefois, les travaux furent interrompus laissant la façade harmonique inachevée. La rupture de style est cette fois notable ; en effet, ces travaux se firent en adoptant les formes du gothique rayonnant.

À l’intérieur, Sainte-Sophie mesure environ 68 mètres de long pour 24,50 mètres de large, et elle atteint plus de 21 mètres de hauteur. Elle est caractérisée par la continuité et l’unité de ses volumes, ainsi que par une certaine sobriété. Par son architecture et par le style employé lors des deux premières campagnes, elle s’apparente aux édifices du Nord de la France de la deuxième moitié du XII° siècle. En raison de l'absence de triforium et de toit en charpente, l'église paraît trapue. C'est un toit en terrasse qui a été adopté, comme dans de nombreuses réalisations gothiques en Orient.

Le décor sculpté conservé est constitué essentiellement de motifs végétaux. Le décor figuré, qui n'a laissé que des traces, était peu développé, mais il était compensé par de nombreuses peintures dans les voûtes et dans les tympans des portails. On peut imaginer que celles-ci ont été réalisées par des artistes byzantins. En effet, si architectes et sculpteurs étaient souvent envoyés depuis l’Occident, on employait volontiers des peintres byzantins.

En 1570, les Turcs prennent Nicosie ; la cathédrale Sainte-Sophie est alors aménagée en mosquée et le décor figuratif est détruit ou plâtré. Des modifications mineures sont réalisées dans la structure de l’édifice. Deux minarets sont érigés en utilisant comme bases les deux tourelles d’escalier flanquant les tours inachevées de la façade. L’édifice, qui subira encore des modifications, continue à être utilisé comme mosquée jusqu’à aujourd’hui.

 

La cathédrale du XIII° siècle comprend une nef de quatre travées, précédée d’un porche qui règne sur toute l’étendue de la façade, un transept simple dont les bras saillants ne dépassent pas la hauteur des bas-côtés, une chapelle à deux étages, probablement à usage de trésor, logée dans l’angle Nord du chœur et du transept, enfin un chœur à pans coupés de sept travées entouré d’un déambulatoire sans chapelle. Deux chapelles ont été ouvertes après coup sur les deux travées centrales du bas-côté Sud ; la plus occidentale, qui est la plus ancienne, a dû être faite pour recevoir des fonts baptismaux et pour porter un clocher, mais ce clocher semble n’avoir pas même été commencé. Peu après, lorsque le porche fut élevé, deux grandes tours furent construites sur les travées extrêmes. Elles ne furent probablement jamais achevées et ont certainement beaucoup à souffrir des tremblements de terre, des injures du temps et des hommes.
La façade de Sainte-Sophie date du XIV° siècle, avec son porche, ses tours et les deux tourelles d’escalier accolées aux angles Nord-Est et Sud-Est de celles-ci pour desservir à la fois leurs parties hautes, les galeries, les terrasses des bas-côtés et la terrasse du porche.

Nicosie - Agia Sophia : Depuis l'intérieur du porche, vue sur le portail principal de la façade Nord de l'ancienne église Saint-Nicolas - Chypre
[NU905-2014-0311] Nicosie - Agia Sophia : Depuis l'intérieur du porche, vue sur le portail principal de la façade Nord de l'ancienne église Saint-Nicolas

Nicosie - Agia Sophia : Plan de l'église Saint-Nicolas - Chypre
Nicosie - Agia Sophia : Plan de l'église Saint-Nicolas

Eglise Saint Nicolas

 

Le plan de Saint Nicolas comprend une nef centrale et une nef septentrionale, aboutissant à des absides, et au Sud, deux nefs latérales égales, divisées entre elles par une rangée de colonnes, et fermée à l’Est par un mur épais dans lequel sont pratiquées deux absidioles. Les travées de ces nefs du Sud ne concordent pas avec celles des deux autres nefs, et leur partie occidentale est ruinée. A l’Ouest, un porche de quatre travées s’étendait sur toute la façade et abritait trois portails ; un autre portail, au Sud, communiquait avec le monastère ; au Nord, trois autres portails plus riches s’ouvraient sur le parvis de la cathédrale Sainte Sophie.

Le porche occidental, dont on voit les ruines au fond des boutiques du bazar, était spacieux et couvert de voûtes d’ogives qui tombaient sur des culots à feuillages, et aux angles sur des colonnes adossées à chapiteaux refouillés. Il abritait trois portails : ceux des extrémités, de moyenne dimension et tracés en plein cintre ; celui du centre, fort large, probablement à deux baies, avec des montants formés de pièces de marbre gris posées en délit. Le portail de l’extrémité Sud a seul gardé sa décoration, composée de pilastres à chapiteaux feuillus recevant une voussure dont les deux gorges sont garnies de rosaces et de bouquets de feuillages. Des baguettes anguleuses formaient des encadrements rectangulaires à ces portails, disposition qui rappelle la décoration extérieure des absides.

 

Cathédrale grecque dédiée à la Vierge et/ou à Saint-Nicolas (église Saint-Nicolas)

 

Au Sud du parvis de la cathédrale latine Sainte-Sophie s’élève une église en ruines, ancien marché à l’époque ottomane (bedestan). Elle est clairement mentionnée au XVI° siècle comme cathédrale grecque. Cependant les origines et l’histoire du monument sont relativement  obscures en l’état actuel de la documentation.

La tradition place à cet endroit la première cathédrale grecque remontant à l’Antiquité tardive. Cependant, la cathédrale primitive pouvait tout aussi bien se situer à l’emplacement de la cathédrale latine Sainte-Sophie, comme semble le prouver la conservation du vocable grec pour l’édifice latin ainsi que les chapiteaux byzantins remployés dans ce monument. Les vestiges de l’église retrouvée sous le bedestan constitueraient alors la seconde église d’un groupe épiscopal remontant à l’Antiquité tardive. En effet des fouilles menées en 1937 ont mis au jour les fondations d’une abside en avant de l’abside centrale actuelle ainsi que d’une absidiole au Nord. En outre, un pavement en opus sectile, dans l’abside centrale, a pu être daté du VI° siècle, ce qui confirme la présence d’un édifice de l’Antiquité tardive.

On ne connaît pas précisément l’histoire du monument durant la domination des Lusignan, même s’il y a tout lieu de penser qu’il était déjà la cathédrale grecque, toutefois ce n’est que durant l’époque vénitienne que les récits de voyageurs font clairement état d’une cathédrale dédiée à la Vierge et/ou à Saint-Nicolas, selon les sources.

 

À l’époque ottomane, après 1570, l’édifice avait cessé d’être cathédrale en raison de la proximité immédiate de Sainte-Sophie, devenue la grande mosquée. Il est alors transformé en un marché, le Bedestan, ce qui a entraîné d’importantes restructurations sur le monument qui présentait toujours une belle allure au XVII° siècle, selon les voyageurs. Au XIX° siècle, il servit de grange. Sous l’administration anglaise, le projet d’en faire une église anglicane fut repoussé car l’édifice était trop près de la mosquée Sainte-Sophie, ce qui aurait été contraire à l’islam. Enfin, d’importantes restaurations ont été effectuées au XX° siècle pour dégager le monument ancien.

 

Aujourd'hui, l'édifice est devenu un centre culturel et on y donne également des représentations de derviches tourneurs.


L’église présente d’importantes irrégularités, tant dans son plan que dans sa structure. La nef centrale est flanquée d’un collatéral simple côté Nord et, au Sud, de deux bas-côtés plus étroits et plus courts. Cette dissymétrie est en réalité le fruit de plusieurs reconstructions partielles successives, depuis le monument du VI° siècle, jusqu’à une importante campagne de l’époque vénitienne au XVI° siècle. Il existe au moins trois campagnes : les deux petites absidioles Sud sont les plus anciennes et peuvent appartenir à l’édifice du VI° siècle. L’absidiole Nord, intacte, correspond à la période des Lusignan, de même qu’une grande part des autres structures existantes qui portent, elles, les traces de gros remaniements de l’époque vénitienne. Le flanc Nord, avec les trois portails sculptés, mêle une ornementation d’inspiration Renaissance à des imitations des portails du XIV° siècle de la cathédrale Sainte-Sophie voisine. Ainsi, il apparaît clairement qu’une grande reconstruction avait été entreprise sous l’administration vénitienne. L’interruption brutale du chantier, resté inachevé, pourrait trouver son explication par le siège de Nicosie par les Ottomans en 1570.

Portail principal - façade Nord, face à la mosquée Selimiye

Au-dessus du linteau en marbre décoré d'une croix, le tympan conserve la représentation de saint Nicolas (au visage martelé durant l'ère ottomane) entourée des 6 blasons de grandes familles vénitiennes. Les 4 voussures en arc brisé ornées de motifs végétaux reposent sur 8 chapiteaux sculptés dont sept sont des visages ornés de feuillage. Il s'agit de représentations de l' " homme vert ", symbole d'origine païenne évoquant la force de la nature. C'est ici un cas unique dans le monde orthodoxe : ce motif ornemental est relativement fréquent dans les bâtiments médiévaux de Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, en France, mais il est complètement absent des églises orientales.

Portail secondaire - à droite du portail principal de la façade Nord

Son linteau en marbre est sculpté d'une petite scène de la dormition de la Vierge Theotokos (mort et montée au ciel de la Mère de Dieu), thème très fréquent dans l'iconographie orthodoxe mais délaissé par les catholiques qui lui préfèrent celui de l'Assomption (montée au ciel de la Vierge sans évocation de sa mort).


Caravansérail de Büyük Han

 

Situé à proximité de la mosquée Selimiye, dans la partie turque de Nicosie, construit en 1572, deux ans après la conquête de Chypre par les Ottomans, le Büyük Han fut le plus imposant et le plus beau caravansérail de l'île. Rénové, ce lieu agréable abrite aujourd'hui cafés, restaurants et petites boutiques de souvenirs.

 

Nicosie - Agia Sophia : Autour de la cour pavée du Büyük Han, deux niveaux desservis par des galeries aux voûtes d'inspiration gothique - en arrière-plan, les deux minarets de la mosquée Selimiye (ex Sainte-Sophie) - Chypre
[NU905-2014-0293] Nicosie - Agia Sophia : Autour de la cour pavée du Büyük Han, deux niveaux desservis par des galeries aux voûtes d'inspiration gothique - en arrière-plan, les deux minarets de la mosquée Selimiye (ex Sainte-Sophie)


De forme presque carrée (50,67 mètres x 45,25 mètres), le Büyük Han (" grande auberge ", en turc), est à l'origine un lieu d'accueil pour les voyageurs. Il était plus particulièrement destiné aux marchands qui pouvaient y laisser leurs montures et leurs biens en sécurité, les portes étant fermées pendant la nuit.

 

Ce type de bâtiment, commun aux cultures du Moyen et Proche Orient, peut être désigné sous plusieurs termes : kārwān-sarāy en persan ("palais de la caravane"), han ou khan en turc ("auberge"), pandocheion en grec ("maison accueillante"), etc. D'abord appelé Yeni Han ("nouvelle auberge"), puis Alanyalılar Hanı ("auberge de ceux d'Alanya", car accueillant principalement des marchands d'Anatolie), il prend son nom actuel au XVII° siècle quand la ville compte alors 18 autres caravansérails.

Utilisé comme prison, centre commercial, puis hospice durant la période britannique, le lieu a pourtant été bien préservé. Autour de la cour pavée, deux niveaux desservis par des galeries aux voûtes d'inspiration gothique accueillent chacun une série de 68 chambres. À celles-ci s'ajoutent 10 espaces pour les entrepôts et écuries derrière les colonnes de l'entrée Est. Cet ensemble est aujourd'hui occupé par une dizaine de petites boutiques et de cafés-restaurants. Au centre de la cour se dresse une étonnante fontaine surmontée d'un masjid (terme désignant ici une petite mosquée sans minaret). Enfin, derrière ce bâtiment se trouve ce qui est présenté comme le turbé (tombe) du fondateur du caravansérail, Muzaffer Pacha, premier gouverneur ottoman de l'île (celui-ci a plus vraisemblablement été inhumé en Égypte ou en Libye).


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Sources

 

Textes :

Bedesten, petitfute.com

Büyük Han, petitfute.com
Cathédrale Sainte-Sophie de Nicosie, wikipedia.org

Nicosie, wikipedia.org

Sainte-Sophie de Nicosie, qantara-med.org

La cathédrale grecque de Nicosie, qantara-med.org

 

Texte/Plans :

L'art gothique et la renaissance en Chypre, Camille Enlart, E. Leroux, 1899

 

Photos numériques :  2014