Saint-Aulais-la-Chapelle est une commune rurale du Sud Charente située à 8 km à l'Est de Barbezieux, à 28 km au Sud-Ouest d'Angoulême, à 7 km à l'Ouest de Blanzac.
Au Moyen Âge, principalement aux XII° et XIII° siècles, Conzac et Saint-Aulais se trouvaient sur une variante de la via Turonensis, itinéraire du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle qui passait en Charente par Nanteuil-en-Vallée, Saint-Amant-de-Boixe,
Angoulême, Mouthiers, Montmoreau et Aubeterre, mais dont une branche bifurquait à Blanzac pour se diriger vers Pons ou Blaye.
Les églises appartenant à l'ordre de Cluny, comme l'église Saint-Jacques de Conzac, se caractérisent par l'abondance et la qualité de leur décor sculpté. Pour les Clunisiens, la
richesse du décor avait pour fonction essentielle d’élever les âmes et de favoriser la méditation. Cette sculpture complexe, raffinée et foisonnante témoigne de l'influence des manuscrits
enluminés, des objets précieux (orfèvrerie et ivoire) et des tissus, sur le travail de création des sculpteurs romans.
L'église Saint-Jacques, qui dépendait d'un prieuré clunisien dont les bâtiments ont disparu, est un édifice remarquable par la qualité de son architecture et de son décor. Le
plan de l'édifice est en croix latine. Le chevet, le bras Nord du transept avec son absidiole, et la croisée du transept surmontée du clocher, appartiennent à l'époque romane. En revanche, la
façade et la nef sont des reconstructions opérées à la suite des guerres de Religion. L'élégant chevet orné d'arcatures est construit en pierres losangées. La coupole à la croisée du transept est
également construite avec des pierres posées en losange qui apportent une touche décorative raffinée.
Une savante disposition des baies procure une lumière plus abondante à mesure que l'on s'avance vers le sanctuaire. Ce jeu sur la modulation de l'éclairage est caractéristique de l'art roman.
L'église Saint-Jacques de Conzac, du XII° siècle, est l'ancienne chapelle d'un prieuré dépendant de l'ordre clunisien ; elle est considérée à juste titre comme un bijou de l'art roman. Située au milieu des prés dans le hameau de Conzac, elle fait partie des sept églises de Charente consacrées à Jacques le Majeur.
Après avoir franchi la nef froide et sans intérêt, on reste impressionné par les justes proportions et le parfait équilibre de l'architecture de la croisée.
Les grandes arcades, bien élancées, possèdent trois rouleaux peu brisés. Gauchissant, les premières épousent la forme des pendentifs qu'ils encadrent ; la pointe de ces derniers retombe à l'angle des piliers. Les deux autres s'appuient sur des faisceaux de colonnes dont les bases sont ornées de tores.
L'appareil réticulé utilisé pour l'ornementation des pendentifs surprend, car il est rare de le rencontrer à de pareils emplacements. Les pierres carrées sont placées en diagonale et font penser à un filet.
Ce parement montre le souci décoratif du maître d’œuvre qui se manifeste avec éclat dans l'église, à l'exception du croisillon Nord dont la voûte a disparu. Suivant la coutume observée dans la
plupart des églises de prieurés, l'ordonnance de ce dernier reste sévère ; les chapiteaux des colonnes précédant l'absidiole orientée sont nus. Notons également que des passages obliques partant
de la nef donnaient accès aux croisillons ; seule, l'entrée basse de celui qui débouchait dans le bras Sud du transept a subsisté.
Le principal attrait de l'édifice réside, à coup sûr, dans l'architecture de la croisée. Son caractère monumental témoigne manifestement de l'effort constructif des bénédictins.
Pour une fois, les pendentifs, en se rejoignant, ne soutiennent aucune coupole comme on l'imaginait. Un plafond de bois masquant les superstructures couvrait le carré du transept afin de protéger les fidèles des gravats qui en provenaient ; sa présence a fait croire à l'existence d'une coupole disparue à la suite d'un effondrement. Il n'en est rien. Sur le bandeau toujours mouluré de billettes s'élève un tambour orné de petites arcades irrégulièrement distribuées ; les piédroits sont constitués de petites colonnettes avec chapiteaux cubiques restés lisses. Le long de l'arcature s'ouvrent quatre fenêtres peu proéminentes et non axées qui éclairaient la lanterne. Enfin, un cordon circulaire surmontant les arcs donne naissance à une coupole en blocage. Ce cordon reproduit à nouveau des billettes. En les retraçant sous la coupole, l'architecte a manifestement désiré parfaire l'ornementation de l'église qui présente ainsi une grande unité décorative.
De fait, nous avons la surprise de découvrir à Saint-Jacques de Conzac une tour-lanterne dominant la croisée ; sa hauteur est approximativement de cinq mètres au-dessus de la corniche. ... Aujourd'hui, le plancher obstruant la vue de la lanterne a été supprimé, de sorte que cette dernière a recouvré son beau profil.
Au dehors, rien ne laisse prévoir une construction circulaire à l'intérieur de l'étage supportant le clocher qui a été tronqué ; carré de forme, il s'apparente intimement à tous ceux que nous
voyons dans les Charentes. A chaque face se profilent quatre hautes arcades sur pilastres que sectionnent des solins aux pentes anormalement accentuées, prouvant qu'à une époque indéterminée, les
toitures furent exagérément remontées. Leur surélévation avait pour principal inconvénient d'altérer la lumière de la lanterne puisque les ouvertures prenaient jour sous les combles de l'édifice.
... Il est clair que ce dispositif ne répond nullement à celui qui existait à l'origine. La raison d'être des fenêtres n'est-elle pas d'éclairer la lanterne, et par le fait même, de
justifier sa construction ? Cela semble si vrai que, lors de la réfection de l'église, on a pu découvrir les solins primitifs qui n’émergeaient pas sur l'étage. ...
A la vérité, on peut s'étonner à première vue de voir les baies peu saillantes et non axées, car elles sont toutes percées à gauche des contreforts médians. Mais l'architecte ne pouvait les
disposer autrement ; la faible amplitude de l'arcature de la lanterne ne permettait pas de les agrandir et, d'autre part, les contreforts ne pouvaient être ajourés sans risque.
En vérité, il n'est pas impossible qu'une lanterne aujourd'hui disparue ait séduit le maître d’œuvre en Saintonge même. Récemment, des sondages entrepris à Trizay par les Monuments Historiques ont permis de déceler les substructions d'une tour au centre même de l'église que recouvrait certainement une coupole. Est-il trop hardi de supposer qu'elle couronnait une lanterne qui aurait engendré celle de Conzac ? Toujours est-il que le vaste tracé octogonal de l'église de Trizay permet de justifier une construction de ce genre. En raison des rapports existant entre les prieurés bénédictins de Saintonge, l'hypothèse émise pour expliquer l'architecture de Conzac ne semble pas, à priori, dénuée de vraisemblance.
Les corbeilles des chapiteaux de la croisée possèdent une ornementation très étoffée et animée. On y distingue des personnages chevauchant les animaux les plus étranges, ou rampant parmi des
rinceaux très étoffés. La sculpture est du meilleur type saintongeais.
Animaux fantastiques, têtes et corps entourés d'éléments végétaux, branchages et feuilles ornent les chapiteaux, en haut des colonnes du carré du transept ou du chœur.
Extérieurs :
A l'extérieur, l'abside est divisée en deux étages. L'étage supérieur présentant une arcature de treize cintres avec colonnettes et chapiteaux, et une amusante corniches à modillons (on peut y reconnaître sangliers, sonneurs de cor, animaux fantastiques, personnages inquiétants, diable avec des oreilles pointues "la main au menton, secoué d'un rire sarcastique").
Les modillons sont des blocs de pierre saillants, sculptés de façon grossière ou fine, placés sous les corniches comme pour les supporter. Ils se présentent comme des figurations fantaisistes, délicates ou frustes, révélant la verve du sculpteur et l'âme d'une époque.
Les modillons relèvent d'un art populaire témoignant aussi bien des préoccupations de la vie courante que de l'imaginaire médiéval. Ils n'en demeurent pas moins d'une grande saveur et d'une belle
expressivité.
Ils expriment une grande diversité. Ils sont soit historiés (illustrations d'un thème, décorés de scènes à personnages... ), soit purement décoratifs ( motifs géométriques, représentation d'objets d'usage courant, animaux familiers, feuillages...).
Soit qu'ils reflètent la quotidienneté, soit que l'imaginaire s'y s'étale en toute fantaisie, les modillons débordent de vie.
Variations autour du thème de " l'Atlante "
Homme, femme, jeune ou moins jeune, aux traits fins ou grossiers selon la nature de la roche de mon territoire, avec des postures plus ou moins bizarres, nous assurons avec une robustesse
sans égale notre tâche de soutien.
Variations autour de postures romanes et néo-romanes
Moins soumis au contrôle strict du maître d'ouvrage, les auteurs de modillons peuvent laisser davantage libre cours à leur imagination, à leurs préoccupations courantes. Ce qui nous vaut des
scènes réalistes ou non, pittoresques ou grotesques, archaïques et naïves ou remarquables et d'une grande habileté selon le talent du tailleur de pierre.
Sources
Textes :
Eglise Saint-Jacques de Conzac de St-Aulais-la-Chapelle, Signalétique locale
La tour-lanterne de l'église saintongeaise Saint-Jacques de Conzac, Guérout Jean, Bulletin Monumental, 1961
Les modillons de Charente, jalladeauj.fr
Route de L'art Roman, une leçon d'histoire médiévale (Charente), routes-touristiques.com
Saint-Aulais-la-Chapelle, wikipedia
Texte et Plans :
La tour lanterne de l'église saintongeaise Saint-Jacques de Conzac, Imprimé descriptif disponible sur place
Photos numériques : 2022