Le site du Chellah (ou Chella), actuelle Rabat, fut sans doute la plus ancienne agglomération humaine à l'embouchure du Bouregreg. Les Phéniciens et les Carthaginois, qui ont
fondé plusieurs comptoirs au Maroc, ont probablement habité les bords du Bouregreg.
Le Chellah conserve, en revanche, les vestiges d'une ville romaine. Les fouilles ont révélé la présence d'une agglomération d'une certaine importance ; celle de la ville citée
sous les noms de Sala, par Ptolémée, et de Sala Colonia, dans l'itinéraire d'Antonin.
C'est sous le règne de Juba II, fin lettré, érudit et philhellène, et de son fils Ptolémée qui ont gouverné les deux Maurétanie (tingitane et césarienne) de 25 avant J.-C. à 40 après J.-C., que la ville prit un remarquable essor.
Les restes du Decumanus Maximus, ou voie principale, ont été dégagés ainsi que ceux d'un forum, d'une fontaine monumentale, d'un arc de triomphe, d'une basilique chrétienne, etc. La voie principale de Sala a été suivie par des sondages exécutés en direction du port antique sur le Bouregreg, port aujourd'hui ensablé. Ainsi, la ville romaine dépassait l'enceinte mérinide en direction du fleuve.
Le « ribat béni» de Chella
La traduction du bandeau épigraphique qui orne la porte monumentale, « Je cherche refuge auprès d'Allah contre Satan le lapidé [...] La construction des remparts de ce ribat béni a été
ordonnée par notre maître le Sultan, l'Émir des Musulmans, Abou el-Hassan. [...]. Cette construction fut terminée à la fin de dhoulhijja de l'an 739 » indique que le 8 juillet 1339 est la
date a laquelle fut achevée l'actuelle clôture de Chella. Abou el Hassan édifie sa fortification et restaure l'oratoire de ces ancêtres. Le ribat remplit alors une fonction
funéraire.
Chella est le premier cas au Maroc d'une nécropole enclose dans un si grand périmètre.
Avant que d'être entouré de cette muraille, Chella est déjà le lieu où sont inhumés les premiers sultans de la dynastie mérinide. D'après Ibn Khaldoun, Abou Youssouf Yacoub est
le premier roi à y être enseveli en 685/1286, deux ans après son épouse Omm el 'Izz. Il est aussi à l'origine de la fondation de la mosquée. Puis ses successeurs l'imitent : Abou Yacoub Youssouf
en 1307, et Abou Thabit en 1308.
Son fils, Abou 'Inân procédera à la mise au tombeau de son père dans le mausolée de Chella, non loin de sa femme Chams ed-Doha, esclave affranchie d'origine chrétienne, mère
d'Abou 'Inân.
Dans son dernier état, la nécropole comprend un nouvel édifice. Ce dernier s'organise autour d'une cour centrale, au milieu de laquelle est creusée un bassin revêtu de marbre, alimenté en eau par quatre vasques. Chacun des côtés du sahn est couvert par un portique et permet la circulation entre les cellules des étudiants réparties sur deux étages, le mida ou salle d'ablutions, le minaret émaillé de zellige, la salle de prière avec son mihrab sur le mur de qibla qui fait office de salle de cours, et en face, une salle aux fonctions mal déterminées - dortoir, salle d'étude ou bibliothèque ? La construction centripète de la madrassa devient le centre du ribat.
Le sanctuaire aux sept sépultures
La majestueuse et imposante porte de Chella, impériale, plus défensive que guerrière, s’appelle aussi Bab Sidi Yahia. ... On rencontre dans cet espace réduit autour de la source aux anguilles proches du sanctuaire de Sidi Yahia, le mausolée de Sidi Omar Mesnaoui, celui de Sidi Hassan Al Imam, de Sidi Zohr, Sidi Boumiza et Sidi Naas. Et les tombes de quelques saintes comme Lalla Regraga et Lalla Sanhaja.
L'enceinte de la nécropole épouse la forme d'un quadrilatère irrégulier de 300 m de côté environ.
On y accède par une porte richement ornementée et flanquée de deux bastions d'une forme inhabituelle : de plan semi-octogonal à la base, ils s'évasent au moyen d'encorbellements à stalactites (mouqarnas) pour adopter un plan carré au sommet, surmonté de merlons à pyramidions.
La baie s'ouvre sur un arc étroit, brisé et très outrepassé. Ses claveaux nus sont soulignés par des voussures formées de rubans entrecroisés. Le décor floral est très fouillé et fortement timbré par deux coquilles. Une large frise d'entrelacs surmonte un bandeau épigraphique.
La porte est simplement coudée, ce qui prouve que son aspect défensif est peu accentué, malgré l'existence de salles de garde et d'un chemin de ronde sur les remparts.
Le bassin aux anguilles
Ce bassin était à l'origine une salle d'ablutions de la mosquée du mérinide Abou Youssouf Yacoub qui fut envahie à une époque indéterminée par les eaux venant de l'aqueduc souterrain. Des croyances et des légendes, tissées par la mémoire populaire, en ont fait un lieu sacré ; les anguilles qui le peuplent veillent aussi bien sur les mausolées des rois mérinides que sur les marabouts de Chellah.
Ses eaux, dit-on, étaient propres à assurer la fertilité aux femmes. Selon la légende, le bassin serait alimenté par une source miraculeuse, la source des Canons, où vivrait un poisson couvert d’écailles d’or.
Sources
Textes :
Chella mystérieux ou l'archéologie d'un paysage, Antoine Pietrobelli
Chellah, la mystérieuse Nécropole Mérinide, rabat-maroc.net
Chellah, Signalétique du site
Chellah, wikipedia.org
Chellah, wikiwand.com
Le sanctuaire aux sept sépultures, Abdejlil Lahjomri, quid.ma
Plans/Texte :
Nécropole de Chellah, Découvrir l'art islamique, museumwnf.org
Plan :
Chellah, Plan du site (1901), taa.africa
Pour les passionnés :
L'homme de Césarée, Françoise Chandernagor, Albin Michel, 2020 (Juba II & Cléopâtre Séléné)
Photos : 1993