Page dédiée à Markouna (ex Verecunda) ajoutée en fin de monographie


L'actuelle commune de Tazoult-Lambèse, à 1180 mètres d'altitude, est située sur l'emplacement de la Lambaesis des Romains, dont les Français firent Lambèse, qui se créa au voisinage d'un pénitencier politique où furent déportés les opposants au coup d'état de 1851.
La III° légion Auguste, chargée de la défense de la Numidie, et qui avait d'abord son camp à Tébessa (Théveste), vint se fixer à Tazoult vers la fin du I° siècle, y bâtit trois camps militaires, le dernier sous Hadrien ; une ville fut établie sous Marc Aurèle, qui devint sous Septime Sévère capitale de la Numidie jusqu'au jour où le siège de l'administration provinciale fut transporté à Cirta (Constantine). Quant à la légion, elle y eut son quartier général jusqu'au Bas-Empire.
Les ruines n'ont malheureusement pas gagné à l'installation en ce lieu d'un village européen, des jardins qui l'entourent et de la maison centrale voisine, lesquels occupent les emplacements les plus intéressants de l'ancienne ville.

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Parmi les camps permanents qui sont construits aux points stratégiques, comme la confluence de rivières ou le débouché de vallées, camps auxquels sont affectés des unités précises parfois connues par des inscriptions, le plus important est celui de Lambèse ; il constitue le quartier général de la seule légion servant en Afrique, la III° légion Auguste.
Malgré la dégradation du site, la forteresse est l'une des mieux conservées de l'époque romaine. Fondée au début du II° siècle et succédant à un premier camp construit en 81 au Sud-Est, qui fut englobé dans la ville qui s'est développée dans ce secteur, le grand camp fut occupé jusqu'au IV° siècle, y compris entre 238 et 253 quand la légion fut dissoute.
La forteresse était entourée d'une enceinte rectangulaire de 420 mètres sur 500 mètres, flanquée de bastions internes carrés, avec quatre portes se croisant au centre du camp occupé par un énorme bâtiment, la Groma, dont l'une des fonctions était de donner accès aux Principia, le centre de commandement du camp.


Lambèse (Lambaesis) : Plan du site
Lambèse (Lambaesis) : Plan du site

Les établissements militaires

Camp 1 : Le camp de 81 occupe un rectangle de 148 mètres sur 120. Il est théoriquement assez vaste pour accueillir la légion mais il est probable qu'une garnison plus réduite s'y installa. Des dégagements sommaires ont mis au jour la courtine et les quatre portes. Au centre, on a reconnu une salle basilicale avec une tribune sur le petit côté Sud. Sur le côté Ouest s'ouvre une série de pièces de part et d'autre d'une salle à abside, la Chapelle aux Enseignes. Les fouilles ont également dégagé une partie des casernements. Plusieurs périodes se superposent sans qu'il soit possible pour l'instant d'établir une chronologie. Une inscription trouvée en place dans la basilique indique en tout cas qu'à l'extrême fin du II° siècle, les militaires étaient encore présents dans le camp qui, cependant, avait perdu toute valeur défensive dès le premier tiers du siècle avec l'installation, à proximité du coin Sud-Est, du temple d'Isis et, près de l'angle Sud-Ouest, du temple d'Esculape. Les agrandissements successifs du sanctuaire du dieu de la santé ont même occupé le côté Sud de la courtine.

Camp 2 : Peu de temps après l'arrivée de la légion en 126, Hadrien se rendit en Afrique pour inspecter les différents corps de troupe qui y tenaient garnison. Les textes des allocutions de l'empereur furent gravés sur le piédestal d'une colonne monumentale, haute de 25 mètres, élevée au centre d'une enceinte à deux kilomètres du " Grand Camp ". Pendant longtemps, on a considéré que cette enceinte était celle d'un camp réservé aux auxiliaires de l'armée romaine ou qu'elle avait été utilisée par les légionnaires pendant la construction du " Grand Camp ". C'est tout récemment qu'on a pu proposer une restitution vraisemblable de la colonne monumentale.

Camp 3 : Le " Grand Camp ", installé dans la plaine, est l'exemple le mieux conservé d'une forteresse légionnaire, malgré la présence sur l'angle Sud-Est d'une maison d'arrêt et de son jardin. Au centre, un édifice remarquablement conservé a retrouvé, il y a peu, son nom de groma, qui en fait la traduction monumentale de l'appareil de visée des géomètres romains.
Le bâtiment élevé sous Hadrien a été entièrement reconstruit sous l'empereur Gallien, au milieu du III° siècle. Installé au croisement des voies qui articulaient le camp, il servait de vestibule aux principia, organisés autour du forum du camp avec, sur le côté opposé, une basilique sur laquelle ouvraient, outre la Chapelle aux Enseignes, des locaux réservés à différents collèges militaires. Dans le reste du camp, on reconnaît sans trop de peine les casernements des dix cohortes, les logements des officiers et des sous-officiers, un établissement thermal, des entrepôts et des ateliers. On notera, pour mémoire, l'existence d'un fortin réputé d'époque byzantine mais qui n'a jamais été convenablement dégagé.

 

Tazoult-Lambèse - Lambaesis - Plan du "Grand camp"
Lambèse (Lambaesis) : Plan du "Grand camp"

Le "Grand camp" :

 

1 : Principia :
     a : Groma (Quartier général)
     b : Forum
     c : Basilique
     d : Chapelle aux Enseignes
2 : Entrepôt
3 : Logements des immunes
4 : Grenier
5 : Caserne d'une centurie
6 : Latrines
7 : Logement de centurions
8 : Atelier de charron ?
9 : Logement de centurions
10 : Atelier
11 : Atelier
12 : Grenier
13 : Logements des immunes
14 : Etablissement thermal
15 : Maisons des officiers
16 : Nymphée accolé à la groma
17 : Emplacement de l'hôpital
Les chiffres romains (I, ..., X) indiquent les casernes des dix cohortes


Praetorium - Forum - Arc de Commode - Amphithéâtre

Arc de Septime Sévère - Thermes du Légat
Temple d'Esculape


Praetorium - Forum - Arc de Commode

 

Depuis le Praetorium (quartier général), en se dirigeant vers l'Est, on arrive à un arc élevé au temps de l'empereur Commode, sur une voie qui allait du camp de la légion à Thamugadi (Timgad) et de là, à Théveste (Tébessa). Cet arc a été dédié à Commode par un magistrat municipal de Timgad.

 

Lambèse (Lambaesis) : Arc de Commode - en direction de Lambèse - Numidie
[NB017-1981-34] Lambèse (Lambaesis) : Arc de Commode - en direction de Lambèse

Arc de Commode

 

Il est intéressant de s'arrêter sur le décor de façade de cet arc à une baie, qui présente deux façades semblables, ornées exclusivement de pilastres.

 

Il est construit en opus quadratum, en blocs très soignés de 0,50 mètre à 0,52 mètre. De dimensions très banales (8,70 mètres de largeur, 1,15 d'épaisseur, 3,78 de largeur de la baie), cet arc est surtout intéressant à cause de son décor.

On a souvent insisté sur le côté exceptionnel de la "dédicace" de cet arc. Le texte dit en effet que l'arc a été construit à l'initiative de Commode pour le municipe de Lambèse depuis ses fondations, par les soins de la Troisième Légion Auguste, et il est tout à fait exceptionnel que l'initiative d'une telle construction soit prise par l'Empereur.

L'arc date de 184-185, puisque Commode porte encore le nom de Marc Aurèle, et M Valerius Maximianus, évoqué dans le texte, a été Consul désigné pour l'année 185.
L'arc de Commode situé sur la voie conduisant du Grand Camp à Verecunda et traversant en partie la ville basse est un arc à une baie, orienté Est-Ouest, décoré de pilastres.

Les deux façades de cet arc sont semblables. Sur chaque piédroit, deux pilastres encadrent une niche rectangulaire ornant le registre supérieur du piédroit, et dont la base se situe au niveau de l'imposte. Le pilastre intérieur est placé à 0,75 mètre du bord de la baie, le pilastre extérieur constitue l'angle du piédroit. Les faces latérales sont unies.

L'inscription se répétait sur les deux faces de l'arc, qui fut dédié en 184-185 par un centurion de la III° Légion, par ailleurs décurion de Timgad.


Lambèse (Lambaesis) : Amphithéâtre construit sous Marc-Aurèle - Numidie
[NB017-1981-32] Lambèse (Lambaesis) : Amphithéâtre

Amphithéâtre

 

 

Plus au Sud, l'amphithéâtre de forme ovale a été construit sous Marc Aurèle par la III° légion.

 

Il fut agrandi en 169. D'autres aménagements y furent pratiqués par la suite, jusqu'à Septime Sévère. Selon des inscriptions, certains gradins étaient réservés aux curies de la ville. Dans son état définitif, le monument pouvait accueillir environ 12 000 spectateurs.
Ses ruines ont servi de carrière, mais des fouilles ont dégagé des sous-sols bien conservés, avec les restes de la machinerie des jeux.


Arc de Septime Sévère - Thermes du Légat

 

En se dirigeant vers le Sud-Est, à la sortie du village, à proximité de l'actuelle route de Timgad, on trouve un arc à trois baies probablement construit sous Septime Sévère et marquant l'entrée de la ville antique de Lambaesis, qui s'était constituée à plus de 1 kilomètre du troisième camp (Grand Camp).

 

Datation de l'arc à trois baies :

La dédicace de l'arc n'a pas été retrouvée ; cependant, on n'hésitera pas beaucoup à dater l'arc de l'été 203. Rappelons l'intense activité édilitaire qui a régné en ce début d'année, pour préparer l'accueil de la famille impériale et rendre sa visite mémorable, au même titre que celle d'Hadrien en 126. Le séjour a eu lieu entre fin avril-début mai, et tout début juin (les Empereurs sont à Rome le 10 juin), disons au mois de mai.

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Les dimensions de l'arc à trois baies :

 

- Largeur totale: 16,38 mètres ; 16,75 mètres, pilastres des faces latérales compris
- Epaisseur des piédroits extérieurs : 3,00 mètres ; 5,38 mètres, avant-corps compris
- Largeur des piédroits extérieurs : 1,80 mètre ; 2,93 mètres, pilastres des faces latérales compris

- Epaisseur des piédroits intérieurs : 2,30 mètres ; 4,50 mètres, avant-corps compris
- Largeur des piédroits intérieurs : 1,50 mètre
- Profondeur des baies : 2,07 mètres
- Largeur de la baie centrale : 5,01 mètres entre les pilastres ; 5,80, de piédroit à piédroit
- Largeur des baies latérales : 2,34 mètres entre les pilastres ; 2,40 mètres, de piédroit à piédroit


On voit immédiatement que les piédroits soutenant la baie centrale sont nettement moins forts que les piédroits extérieurs, qui résistent aux poussées.

 

Près de l'arc de Septime Sévère, de très vastes ruines sont des thermes incomplètement fouillés (Thermes dit "du Légat"), et recélant des mosaïques qui ne sont pas encore dégagées.


Temple d'Esculape

 

Entre le ravin de l'oued Tazoult à l'Ouest, le camp de Titus (Camp de 81) au Nord et l'extrémité, mal définie, de la Via Septimiana à l'Est, s'étend le sanctuaire d'Esculape. Au Sud, il semble que la limite arbitraire des fouilles coïncide à peu près avec celle du sanctuaire. Elle dévoile, en tout cas, une extension minimale du sanctuaire : des bâtiments appartenant à l'Asclepieium peuvent se trouver au-delà, sous les terrains actuellement en culture. Malgré les quelques problèmes que l'état des lieux laissera subsister, les dégagements ont été suffisants pour permettre une approche des fonctions de l'Asclepieium et une première recherche sur les principales étapes de son histoire.

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Lambèse (Lambaesis) : Asclépieium - vue 3D -
Lambèse (Lambaesis) : Asclépieium - Reconstitution 3D - En extrémité de l'esplanade, le temple d'Esculape entouré de ses deux chapelles latérales

 

Le secteur fouillé de la " ville haute " est presque entièrement consacré à des monuments religieux.

Construit en 161-162, le temple d'Esculape présida à l'évolution d'un vaste sanctuaire établi aux dépens du camp de 81, et qui trouva son extension maximale sous les Sévères.

D'une conception hors du commun, plus proche de celle d'une fontaine monumentale que d'un temple classique, l'architecture du temple du dieu de la santé, par la mise en valeur de l'ordre dorique du corps central, fait référence aux grands asclepieia de Grèce. 

A proximité du camp de Titus, premier établissement légionnaire à Lambèse, les dégagements entrepris depuis un siècle et demi ont mis au jour un vaste ensemble de ruines qu'il est d'usage d'appeler « ville haute ». On notera cependant qu'aucun bâtiment d'habitation n'y a été découvert. On n'y a trouvé que des rues, des temples et des édifices de prestige ou d'utilité publique (thermes).


Le sanctuaire, dont dépendent diverses installations thermales, fonctionne pendant plusieurs siècles. Pour s'en tenir à l'époque romaine, des inscriptions sont connues du premier quart du II° siècle au premier quart du IV° siècle. Le temple lui-même, dans son état actuel, est dédié sous Marc Aurèle et Lucius Verus.

Ces différentes installations thermales relèvent d'une typologie tout à fait particulière, dans la mesure où il s'agit d'établissements dépendant d'un sanctuaire. Seule une partie de ce vaste ensemble a été dégagée. Une zone sacrée comprend un temple flanqué de deux chapelles latérales, dans lesquelles sont attestés les cultes d'Esculape, d'Hygie, Jupiter Valens, Salus et Silvain Pegasianus, donc des divinités liées à la santé, mais aussi à la légion III Auguste (Pégase). … L'Asclepieium regroupe ainsi ses lieux de cultes, ses logements pour les malades et pèlerins, ses portiques et couloirs, ses installations thermales destinées à la purification rituelles des dévots et aux cures.


On n'a pas retrouvé de chapiteau appartenant aux chapelles latérales. On possède, en revanche, de nombreux blocs de l'entablement. Les " frises architravées " portent une inscription qui ne se comprend qu'en relation avec le texte sur la façade du temple principal, selon le schéma suivant :


Chapelle Gauche                                                  Temple                                               Chapelle Droite
IOVI VALENTI                        AESCULAPIO ET SALUTI                                                 SILVANO
                                                   IMP.CAES.M.AURELIUS AUG. PONT. MAX. ET
                                                   IMP.CAES.L.AURELIUS VERUS AUGUSTUS
HAS AEDES                                                                                                                             PER LEG.III FECERUNT


La fin de la dédicace est donc constituée par la seconde ligne de l'inscription des chapelles.

 


Les quatre colonnes de la façade du temple, supportant l'architrave du temple d'Esculape, étaient encore debout en décembre 1852.

Construit en 161-162, le temple d'Esculape présida à l'évolution d'un vaste sanctuaire, établi aux dépens du camp de 81, et qui trouva son extension maximale sous les Sévères.
Son inscription dédicatoire rassemblait sur la frise, outre Esculape et sa parèdre Hygie, Jupiter Valens (interprétation romaine d'un dieu indigène ?) et Silvanus Pegasianus.


De nombreuses autres divinités (Medaurus, Mithra, les eaux de Sinuessa, les " compagnons de la Lune ", Iarhibôl, Diane) vinrent s'installer dans le sanctuaire et composent un panthéon hétéroclite. Certaines occupent des petites chapelles dont huit sur le côté Nord de l'esplanade qui s'allonge devant le temple principal. Il se pourrait que ces petits édicules aient abrité le siège de collèges militaires.


Du côté opposé, s'étendent deux vastes ensembles thermaux, avec des dispositifs propres à des cures médicales. Au bout de l'esplanade, un petit temple dédié peut-être à Mercure fait face au temple d'Esculape. Au début du III° siècle, tout à fait à l'Est, un bâtiment monumentalisa l'entrée du sanctuaire, tout en permettant, par un passage souterrain, l'accès au camp de 81.

À proximité du temple principal, une série de pièces disposées autour d'une cour triangulaire était peut-être destinée à abriter les festivités qui jalonnaient la vie des collèges. Vers l'Ouest, au-delà d'un établissement thermal de plan traditionnel, de nouvelles petites chapelles sont mal conservées et restent anonymes.


Situé à environ 3 kilomètres, le village de Markouna (Verecunda), était une sorte d'annexe de Lambaesis.


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Sources

Textes :

"Algérie", Les Guides bleus, Hachette, 1977

Anne-Marie Leydier-Bareil, Les arcs de triomphe dédiés à Caracalla en Afrique romaine, Thèse, 2006

Jean-Marie Lassère, "Africa, quasi Roma (256 avant JC - 711 après JC)", CNRS Editions, 2015

Yvon Thébert , " Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen ", Ecole française de Rome,

                                                                                                                                                                                                                         2003

 

Textes/Plans/Dessins :

Michel Janon, " Lambèse ", Encyclopédie berbère, in Tomes 28-29, Kirtesii - Lutte, éditions Peeters, 2008

Michel Janon, " Recherches à Lambèse : I. La ville et les camps. II. Aquae Lambaesitanae ", Antiquités africaines,

                                                                                                                                                                                                     in Tome 7, 1973

Michel Janon, "Recherches à Lambèse III : Essais sur le temple d'Esculape", Antiquités africaines, in Tome 21, 1985

 

Photos : 1978 - 1981