Aux confins du Périgord Pourpre et du Périgord Noir, au Pays de Bergerac, le village de Cadouin, blotti autour de son abbaye médiévale, est un havre de paix au cœur de la forêt de la Bessède. Il est situé à 15 km de Saint-Cyprien.

Autour de la halle médiévale, les occasions sont nombreuses de profiter du charme cadunien et d'admirer la richesse architecturale de l'abbaye cistercienne.

 

A l’origine, ce site isolé était réservé aux moines ; un village s’est peu à peu installé au-delà de l’enclos, dans le courant du Moyen Age. A cette époque, l’économie villageoise est liée au développement du pèlerinage et à l’essor des possessions des moines.

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24 - Cadouin : L'abbaye et son clocher pyramidal - France
[NU922-2022-3073] 24 - Cadouin : L'abbaye et son clocher pyramidal

Dans le bas Périgord, entre la rivière Dordogne et son affluent la Couze, dans un vallon encaissé du massif forestier de la Bessède, l'abbaye Notre-Dame de la Nativité de Cadouin demeure, à très peu près, dans l'état où la laissèrent les moines il y a deux siècles.


Dans les pierres de ses bâtiments se lisent encore la vie des moines cisterciens et l'histoire de l'abbaye. Un tissu vénérable — longtemps tenu pour le suaire de la tête du Christ — rappelle, par-delà une tradition légendaire, l'inébranlable foi de ceux qui vinrent prier en ce lieu, dans la prière et la pauvreté voulues par saint Bernard de Clairvaux, le recueillement des pèlerinages ou le tohu-bohu des ostensions.

[NU922-2022-3075] 24 - Cadouin : La halle rappelle que Cadouin a abrité, depuis Louis XI, des foires et des marchés. Cette halle, autrefois plus allongée, se trouvait sur le parvis de l'abbatiale - France
[NU922-2022-3075] 24 - Cadouin : La halle rappelle que Cadouin a abrité, depuis Louis XI, des foires et des marchés. Cette halle, autrefois plus allongée, se trouvait sur le parvis de l'abbatiale

Durant quelque sept siècles, de sa naissance en 1115 à sa mort en 1790, l'abbaye a connu, avant et après la guerre de Cent Ans, deux grandes périodes de prospérité et de rayonnement :
— les XII° et XIII° siècles, dont il demeure l'église abbatiale et la base — romane — des bâtiments conventuels, la sacristie et la chapelle haute ;
— la deuxième moitié du XV° siècle (après la victoire de Castillon en 1453) et le début du XVI° siècle, qui nous ont laissé le cloître gothique flamboyant.


Par la suite, c'est une longue décadence de l'abbaye, avec la commende (en 1516) qui lui enlève ses abbés résidents, les guerres de Religion (1562-1598) qui manquent de la détruire, décadence non exempte de quelques sursauts, mais qui trouve son terme en 1790. La grande Révolution fait de l'abbatiale une église paroissiale pour Cadouin, devenu simple commune de Dordogne. La vénération du Saint Suaire, si vive encore à la fin du XIX° siècle et au début du XX°, est brutalement arrêtée en 1934 par l'expertise du tissu.


24 - Cadouin : Clef de voûte (quatre anges portent le suaire sur lequel apparaît le corps du Christ) - France
[NU922-2022-3130] 24 - Cadouin : Clef de voûte (quatre anges portent le suaire sur lequel apparaît le corps du Christ) fin XV°-début XVI°

Le Saint Suaire de Cadouin

 

Si Cadouin est célèbre pour la qualité architecturale de son abbaye cistercienne, sa renommée doit plus encore à son insigne relique qui a drainé, pendant 7 siècles, d'innombrables foules de pèlerins jusqu'en forêt de Bessède : le Saint Suaire de Cadouin.


Son histoire est aussi longue que riche en évènements; s'y mêlent histoire, légende, miracles et mystère. Mystère de ses origines orientales, légende de son arrivée à Cadouin, miracles pour ses pèlerins et histoire d'un pèlerinage qui, du Moyen Age à 1934, a rythmé la vie des moines et des caduniens.


Exposé à l'entrée du cloître, le fac-similé du Saint Suaire de Cadouin (l'original est en restauration) témoigne de la longue histoire de cette relique considérée comme celle du Christ pendant des siècles. Mais la science en 1934 est venue contredire des siècles de dévotion et de miracles : le linge de Cadouin n'est pas celui qui a entouré la tête de Jésus au tombeau, ce n'est pas le Saint Suaire... Ce tissu de lin et de soie n'est qu'un linge médiéval.


24 - Cadouin : Plan de l'abbaye - France

L'Abbaye

 

Cadouin est un monastère cistercien. Ce qualificatif ne manquera pas d'étonner l'observateur qui aura eu la chance de visiter préalablement Sénanque dans le Vaucluse, ou Alcobaça au Portugal, deux des sanctuaires de l'art cistercien. En effet, l'architecture de Cadouin semble s'écarter de l'excessive rigueur empreinte de symbolisme, voulue par Saint Bernard. Le grand saint du XII° siècle préconisait en effet le retour à la sobriété de l'art et de l'architecture, en harmonie avec l'austérité du mode de vie orienté vers la prière et la charité.

 

L'abbaye fut affiliée à l'ordre cistercien, et non fondée par celui-ci. C'est sans doute une des raisons expliquant cette créativité des formes et une certaine indépendance d'esprit. Les "moines blancs" du Périgord, présents à Cadouin pendant 700 ans, appliqueront les préceptes de leur saint fondateur, sans omettre de laisser dans les murs les traces de leur particularité.

 

L'abbatiale de Cadouin, construite à partir de 1119, fut consacrée en 1154. L'exubérance des formes du cloître est loin des exigences de saint Bernard. Nous sommes trois cents ans après la construction de l'abbatiale. L'abbé Pierre de Gaing relève l'abbaye à partir de 1463, après les troubles des guerres anglaises. Une statue du XV° siècle, dans l'abbatiale, le représente agenouillé près de la Vierge. Le cloître traduit la transition entre le style gothique finissant, dit flamboyant, et les prémices de la renaissance italienne. L'abbaye est tributaire de sa précieuse relique, le Saint Suaire, qui lui assure notoriété et revenus. La construction du cloître correspond aussi au retour de la relique à Cadouin. Celle-ci, considérée comme le suaire du Christ pendant 800 ans, est en réalité un tissu musulman de la fin du XI° siècle.


24 - Cadouin : Façade occidentale (XII°) - France
[NU922-2022-3074] 24 - Cadouin : Façade occidentale (XII°)

 

Religieux et maçons ont construit ce grand édifice de 1118 à 1154, date de sa consécration. Les tâcherons ont souvent laissé leurs marques sur les pierres (au chevet). En forme de croix latine, l'église possède trois nefs (chacune couverte d'un berceau brisé supporté par des arcs doubleaux), un transept peu saillant (à la croisée coiffée d'une coupole sur pendentifs), et une abside semi-circulaire encadrée de deux absidioles semblables (une troisième abrite la sacristie, attenante).


La façade, percée de trois baies et d'un oculus, contre-butée comme les murs gouttereaux par des contreforts massifs, rappelle, par ses arcatures, celle des églises de Saintonge. Le clocher pyramidal, au-dessus de la coupole, n'est qu'une modeste construction de bois, sur une souche de pierre, couvert aujourd'hui de bardeaux de châtaigniers. Les nefs sont couvertes de tuiles.


Seule la partie orientale de l'église (abside, absidioles et transept) a reçu des sculptures (chapiteaux et modillons, bien visibles au chevet et dans le chœur).

 

Le reste des trois nefs, au contraire, est parfaitement dépouillé, à ceci près que les joints de liaison entre les pierres apparaissent en relief, formant des galons réguliers de mortier, des séries de petits arcs ou de dents de scie.

24 - Cadouin : PAX gravé sur l'extrados du portail occidental (XII°) - France
[NU922-2022-3077] 24 - Cadouin : PAX gravé sur l'extrados du portail occidental (XII°)

La façade est disposée à l'Ouest vers le jour finissant mais nous sommes appelés à la franchir pour aller vers la Lumière.

Sa forme esthétique est d'influence saintongeaise ; elle se subdivise en trois niveaux horizontaux et verticaux, qui se décomposent ainsi :

- Le 1er niveau s'adresse à nous, soit le monde créé : le portail comporte 4 voussures, le chiffre de la création (4), retombant sur 4 colonnettes ; la voussure d'extrados comporte, en son sommet, le mot PAX gravé.

- Le 2ème niveau, c'est celui de la présence divine : le Père est au centre avec, à gauche et à droite, le Fils et l'Esprit Saint, la forme trinitaire.

- le 3ème niveau, c'est la demeure céleste, au sens du chapitre 21 de l'Apocalypse de Saint Jean ; avec au centre "l’œil de Dieu", l'oculus. Le triangle en est le sommet.


Nefs et Abside


[NU922-2022-3091] 24 - Cadouin : Statue de la Vierge (XV°) - France
[NU922-2022-3091] 24 - Cadouin : Statue de la Vierge (XV°)

 

La Vierge de Cadouin (XV°)

 

Cette statue a été sculptée dans la pierre dure par un artiste anonyme, probablement l'un des moines du monastère de Cadouin en hommage en même temps à la Vierge Marie et à l'Abbé Pierre de Gaing de Lisnards qui fut le grand restaurateur de l'Abbaye après la guerre de Cent ans, et à qui nous devons le magnifique cloître gothique que nous admirons aujourd'hui ... Une statuette le représente à genoux en prière, aux pieds de la Vierge, près de son écusson patrimonial "d'azur à trois bandes d'or".

 

Brisée par des vandales en 1592, cette statue est restée longtemps reléguée dans un coin comme objet d'impossible restauration. En 1865, elle fut pourtant minutieusement restaurée par les soins de M. le curé de Paleyrac.

 

Bien que mutilée, cette image de la Mère du Christ s'impose au regard par sa gracieuse majesté et la finesse de ses traits ; le visage de la Vierge exprime une telle sérénité, une telle bonté, qu'on ne se lasse pas de la regarder, de la contempler. Son sourire semble nous inviter à nous jeter à ses pieds , pour dire avec le moine agenouillé, les paroles à la fois simples et sublimes que l'artiste a gravé sur son manteau :

SANCTA MARIA MATER MEA


[NU922-2022-3098] 24 - Cadouin : Lavabo au centre du cloître - Clocher pyramidal (vue prise depuis l'angle Sud-Ouest) - France
[NU922-2022-3098] 24 - Cadouin : Lavabo au centre du cloître - Clocher pyramidal (vue prise depuis l'angle Sud-Ouest)

 

Le Cloître

 

L'église romane est intacte. Les lieux réguliers sont tous de fonds roman. Ils sont groupés autour du cloître. Lors de la période de renouveau qui suit la victoire de Castillon (1453), seuls demeurent du cloître roman les murs et la porte qui mène au dortoir des moines. Peut-être avait-il, comme on le dit souvent, quelque peu souffert de la guerre de Cent Ans ; plus probablement, la pierre calcaire primitivement utilisée pour ses sculptures (du calcaire campanien gris) était-elle bien moins solide que celle qui servit pour les murs (du maestrichtien ocré de la Couze), et elle ne dura point. Sans doute aussi, le message de saint Bernard avait-il perdu, avec le temps, beaucoup de sa rigueur, et les moines édifièrent un nouveau cloître dans le style flamboyant de la fin du gothique, dans la joie d'une véritable libération après trois siècles d'insécurité et de guerres.

 

Le cloître, rectangulaire, s'allonge contre le mur méridional de l'église abbatiale. Il est fait de trois galeries au riche décor daté de la fin du XV° siècle, tandis que la quatrième, occidentale, a été encore plus profondément modifiée au début du XVI° siècle et restaurée au début du XX° siècle, de même que les portes qui l'encadrent. Au centre du cloître, le lavabo des moines : en fait, il a plusieurs fois changé de place.

 

La Galerie septentrionale (Galerie de la collation, dite galerie abbatiale)

 

La Galerie orientale, dite royale

 

La Galerie méridionale

 

La Galerie occidentale

 

Dans le style gothique du XIII° siècle, comme dans le style roman, tout est logique, observait Henri Focillon. Toutes les parties s'accordent l'une à l'autre. En revanche, l'architecture du XV° siècle témoigne d'une grande confusion. Les voûtes s'encombrent d'ogives surnuméraires : liernes et tiercerons. La structure se fait décor, les colonnes et colonnettes dessinent des moulures, continuant les multiples arcs des voûtes. Au soir de l'architecture gothique, l'espace est accroché partout de saillies, s'encombre d'arabesques, de courbes et de contre-courbes, à la manière des flammes, se perfore au niveau de la claire-voie des remplages, se refouille, se chantourne. La structure romane — murs et plan — demeure. L'art flamboyant, baroque, théâtral, est avant tout un décor, une œuvre d'artisans ymagiers plus que de maçons ; c'est d'ailleurs un même groupe de sculpteurs qui parcourt nos régions et œuvre à Cadouin, Cahors, Carennac et autres lieux, avec le même style, la même technique et les mêmes thèmes.

 

C'est ce cloître tarabiscoté qui sauvera Cadouin au début du XIX° siècle. Les romantiques voyaient surtout le Moyen Age à travers ce gothique fleuri, et Montalembert, puis surtout Prosper Mérimée, ne sont pas pour rien dans le sauvetage de ce lieu « marqué, disait le premier, du sceau de l'influence mauresque », mais alors transformé, révérence parlée, en étable à pourceaux.


Autres abbayes cisterciennes décrites sur ce site :

- Sainte-Marie de Fontfroide

- Sainte-Marie de Valmagne


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Sources

 

Textes :

Abbaye de Cadouin, Signalétique locale

Cadouin, son abbaye, son village, sa forêt, Site "Les amis de Cadouin"

L'abbaye de Cadouin, Brigitte et Gilles Delluc, Editions Sud Ouest, 2020

Saint Suaire de Cadouin : de la légende à l'histoire, amisdecadouin.com

 

Plan :

Abbaye de Cadouin, archeo-actu.fr

 

Photos numériques :  2022