En prenant la route nationale vers Hania (La Canée) et l'Ouest, et en la quittant en direction d'Episcopi, on traverse des vallées fertiles dans des paysages de verdure. Cette route du Sud s'enfonce toujours plus dans l'arrière-pays et rejoint Argyroupolis, à 27 kilomètres de Réthymnon. Le village est une oasis de fraîcheur : des sources alimentent la partie basse du village et irriguent châtaigniers, platanes, abricotiers et vignes.
Argyroupolis a été construit sur le site de l'ancienne Lappa qui, selon la légende, aurait été fondée par Agamemnon lui-même. Lappa était en rébellion ouverte contre Cnossos, en même temps que Lycos, au III° siècle avant J.-C.. La cité a prospéré pendant la période romaine, comme en
témoignent les vestiges sur le site de l'ancienne cité.
Pendant la guerre civile post-Césarienne romaine, Lappa s’est rangé avec Octave contre Antoine. Après la victoire d’Octave, Lappa a obtenu des privilèges spéciaux et l’autonomie. À cette époque, à la fin de la période romaine (II°-IV° siècles), Lappa prospère comme le montrent de riches découvertes architecturales impressionnantes dans la région près des rivières Mousela et Petre. Des fouilles ont également permis de découvrir des bains romains et de nombreuses pièces de monnaie.
Toutefois, la plupart des découvertes remontent à la période hellénistique et aux temps romains anciens, ce qui témoigne d’une plus longue prospérité de la région à ces époques. On sait d’ailleurs par les textes que Lappa était l’une des villes les plus importantes et les plus florissantes de l’Ouest de la Crète à l’époque romaine. Enfin, Lappa disposait de deux ports maritimes, Ydramia (aujourd'hui, Dramia) au Nord, sur la mer de Crète et, au Sud, Loutron (aujourd'hui, Loutro), sur la mer de Libye.
La cité se développa ainsi jusqu'au IX° siècle, époque à laquelle elle est détruite par les Sarrasins avant de renaître de ses cendres sous l'occupation des Vénitiens qui y construisirent villas et églises. Pendant la période ottomane qui suivit, le village s'appela Gaidouropoli puis Samaropoli. Son nom actuel lui a été donné par le comité révolutionnaire crétois en 1822 parce qu'il y avait, paraît-il, une mine d'argent (argyros) au Sud-Est du village.
Le village actuel est un complexe traditionnel important, avec des exemples caractéristiques de l’architecture vénitienne et de l’architecture locale, qui a continué d’évoluer pendant
l’occupation turque de l’île et au cours des siècles suivants.
A cet emplacement, le visiteur est en face d’une décoration du sol réalisée à partir de mosaïques, un art développé très tôt en Grèce et ensuite dans tous les pays occupés par les
Romains.
Ce sol appartient peut-être à une salle de bain publique romaine créée en sculptant la roche naturelle. Les murs étaient couverts de plaques de marbre sculptées, comme on peut en juger à partir
des fragments trouvés pendant les fouilles.
Cette mosaïque est faite de pierres colorées (tesselles) posées sur un enduit et suivant la conception d’une impressionnante composition géométrique. Elle est datée du III° siècle après J.-C..
Aujourd'hui, plusieurs bâtiments et églises ont été construits, en utilisant des pierres et d'autres matériaux de construction des anciennes villes et des plus récentes constructions Vénitiennes. La façade principale de l'Église des Archanges en est un parfait exemple.
« Omnia Mundi Fumus et Umbra »
« Tout dans le monde n’est que fumée et ombre » peut-on lire sur le linteau en pierre d'une ancienne porte romaine située dans le village d'Argyroupoli (anciennement Lappa).
L’Histoire rapporte que ce serait Francesco da Molin, alors 99ème doge de Venise, qui aurait fait inscrire à la suite de sombres évènements survenus en Crète au cours du XVI° siècle, cette maxime sur le linteau principal de l’entrée de plusieurs des propriétés crétoises appartenant à sa famille.
En 1527, en raison de l’oppression économique de la Crète par les Vénitiens, la rébellion de Kantanoleos a éclaté. Les rebelles ont rapidement pris le dessus dans les provinces de Selino, Sfakia
et une partie de Kydonia.
Le fils de Kantanoleos, Petros, est tombé amoureux de la fille de Francesco Da Molino, Sophia. Afin de sceller la paix, ou au moins une trêve, Kantanoleos a rendu visite à Da Molino à Alikianos
et lui a demandé la main de sa fille pour son fils. Da Molino a accepté et le mariage a été annoncé. Le jour du mariage, Kantanoleos, accompagné de 350 hommes et 100 femmes, est venu à Alikianos
pour la cérémonie.
Après la cérémonie, ils se sont tous assis ensemble à la table de mariage. Tous les invités de Kantanoleos ont bu du vin additionné d’un puissant sédatif. Da Molino avait embusqué une armée
secrète de 2000 hommes qui massacrèrent la plupart des invités endormis. Kantanoleos et ses deux fils furent pendus immédiatement. Les autres ont été pendus le long de la route de La Canée à
Rethymnon, un chaque demi-mille. Certains d’entre eux ont été pendus à Koustogerako, dans les montagnes de Meskla, tandis que les captifs ont été envoyés comme esclaves dans les galères
vénitiennes.
Ce mariage sanglant du roman « Un mariage crétois », écrit par Spyros Zampelios, a été associé à la tour Da Molino à Alikianos, près de La Canée, et pourrait peut-être cacher quelques caractéristiques historiques réelles.
Après cela, les Crétois ont bien retenu la leçon :
Si vous voulez être un rebelle mieux vaut oublier les mariages et rester caché dans les forêts !
Au Nord-Ouest du village, une source s'échappe d'une tombe de l'époque romaine taillée dans le roc. Dans cette grotte s'abrite une petite chapelle dédiée à saint Jean, plus connue sous le nom d'Agia Dynami (Saint-Pouvoir). L’eau qui y coule est considérée comme sacrée et miraculeuse. La végétation est très riche et il y a de petites et belles chutes d’eau (cascatelles).
Dans les temps anciens, la puissance de l’eau était utilisée pour moudre le grain. Des moulins à eau sont encore debout aujourd’hui.
Chapelle d'Agia Paraskevi (Sainte Paracève)
La chapelle d'Agia Paraskevi (Sainte Paracève) a été construite au XX° siècle sur l'emplacement d'une basilique paléochrétienne dont on peut encore voir des colonnes antiques réemployées (au niveau de la porte d'entrée de la chapelle et de la placette).
Chapelle Pende Parthenes (Cinq Vierges)
A proximité, un chemin pavé conduit à la chapelle rupestre. Elle a été construite pour honorer la mémoire de cinq jeunes chrétiennes persécutées et mortes en martyrs en l'an 250 de notre ère lors du règne de l'empereur romain Decius. Elles s’appelaient Thekla, Marianna, Athena, Martha et Maria.
La chapelle est adossée à la paroi contre un abri sous roche retaillé où furent découvertes des cuves funéraires de l'époque romaine. L'eau qui s'en égoutte passe pour miraculeuse. Ce lieu de culte rupestre figure encore parmi les plus fréquentés de nos jours.
Tout le secteur est criblé de citernes, d'aqueducs et de tombes rupestres. Ces nécropoles helléniques et romaines, contiennent environ 200 tombes creusées directement dans le roc.
Situés en contrebas de la chapelle, près de l'une des sources de la rivière Petres, plusieurs platanes ont trouvé ici un lieu idéal de croissance. Symbole de la régénération dans la mythologie grecque, le plus imposant d'entre eux aurait, d'après les documents du village et les habitants, environ 2000 ans.
Ces dernières années, un vaste cimetière romain a été découvert au lieu-dit Pente Parthenes. Les pièces découvertes et celles recueillies avant le début des fouilles systématiques, parmi lesquelles deux statues en marbre et une statuette en bronze, sont aujourd’hui exposées au Musée archéologique de Réthymnon.
Sources
Texte :
Ancient Lappa, crete.gr
Argyroupolis : Promenade aux Pendes Parthenes "Cinq Vierges", crete.decouverte.free.fr
Argyroupoli #1 – Omnia Mundi Fumus et Umbra, iledecrete.wordpress.com
Argyroupolis, petitfute.com
Da Molin Tower at Alikianos, cretanbeaches.com
Lappa, incrediblecrete.gr
Photos numériques : 2013