Détour obligatoire pour les amateurs d’Histoire, Lavaudieu, classé parmi "Les Plus Beaux Villages de France" et "Pays d’Art et d’Histoire", est situé au Sud-Est de Brioude, dans le département de la Haute-Loire en Auvergne. Traversé par la Senouire, "La Vau Diu" en occitan, vient du latin "Vallis Dei" qui veut dire la "Vallée de Dieu". Plein de charme et propice à la flânerie, ce magnifique village est réputé pour son abbaye bénédictine Saint-André.
Lavaudieu était en fait connu jusqu'au XV° siècle sous le toponyme de Saint-André-de-Comps.
C’est saint Robert de Turlande, fondateur de la Chaise-Dieu, qui crée en 1057 cette abbaye dans la vallée de la Senouire. Destinée à une communauté bénédictine, l’abbaye accueille des religieuses jusqu’à la Révolution Française.
L'église abbatiale Saint-André
Longueur de l'église dans l'œuvre : 26,70 mètres
Largeur de la nef principale : entre 5,60 et 5,30 mètres
Largeur au transept : 12,15 mètres
Hauteur de la nef : 14 mètres environ
L'église se signale de l'extérieur essentiellement par son clocher octogonal roman en pierre rouge. Il a perdu sa flèche de pierre à la Révolution. L'édifice dans son ensemble possède des dimensions restreintes et n'excède pas 26,70 mètres de longueur dans l'œuvre. Il est doté d'une petite nef romane à trois travées, agrandie vers le Nord d'un collatéral à une époque plus tardive. Les deux bras du transept sont peu saillants. Ils s'achevaient primitivement tous les deux par des absidioles, mais l'ouverture du bras Sud fut considérablement modifiée aux XVII°-XVIII° siècles. Le chœur s'achève en abside.
Les bâtiments conventuels s'articulent autour d'un magnifique cloître roman de facture très ancienne, avec alternance de colonnettes simples et doubles à motifs divers (losanges, tores…).
Réfectoire : environ 15,60 × 5,50 mètres
Peintures murales de la Nef (XIV°)
L'ensemble des fresques qui ornent l'intérieur de l'église fut découvert lors de fouilles entreprises vers 1965. Cette incroyable série de peintures murales fut commandée vers 1348 par Louise de Vissac, prieure de l'abbaye. Les artistes qui travaillèrent dans la nef, sur la voûte et sur l'arc triomphal séparant la nef et le chœur, furent probablement en contact avec des peintres italiens. Cette influence est visible dans les couleurs et traitements des sujets religieux qu'ils représentèrent.
Parmi les divers thèmes abordés, on trouve des scènes fréquemment abordées au Moyen Âge comme la Crucifixion de saint André, les quatre évangélistes, la Vierge endormie, l'Annonciation, la Flagellation, le Portement de croix, la Crucifixion, la Descente de croix ou la Mise au tombeau. On y trouve également des sujets bien plus rares comme cette curieuse Mort Noire, montrant une jeune femme portant un voile noir sur le visage et lançant des flèches sur un groupe de personnes atteintes par la peste.
La position haute de ce cycle de peintures vient de la présence de tribunes en bois qui ont aujourd'hui disparu.
En 1966-1967, un important ensemble de peintures murales a été mis au jour par l'Inspection des Monuments Historiques, dans l'église abbatiale de Lavaudieu (Haute-Loire), édifice roman de la fin du XI° siècle, construit près de Brioude, par l'ordre bénédictin de la Chaise-Dieu.
- Sur l'arc triomphal du transept, une Crucifixion monumentale avec la Vierge et saint Jean et, de part et d'autre, à gauche la Mort de la Vierge, à droite le Martyre de saint André, patron de l'abbaye placée sous son vocable.
Arc triomphal du transept, face Ouest - XIV° - (détails)
- La nef est entièrement peinte, sur les deux murs latéraux, d'une frise longue de 24 mètres datée du XIV° siècle, comprise entre la partie supérieure des grandes arcades et la naissance de la voûte en berceau.
-- Le parti adopté du côté Sud place à chaque extrémité un Évangéliste et, dans l'intervalle, une suite de scènes historiées alternant avec de fausses draperies. Les deux scènes les plus remarquables sont une Allégorie de la Mort, unique en France par ses particularités iconographiques, et un Ravissement de sainte Madeleine à la Sainte-Baume d'inspiration italianisante.
-- Sur le mur Nord, composition générale en frise, analogue à celle du mur opposé avec Évangélistes, fausses draperies, cinq scènes de la Passion d'un très beau graphisme (Flagellation du Christ, Montée au Calvaire, Crucifixion, Descente de Croix, Déploration/Mise au tombeau).
-- Sur le revers de la façade occidentale, de chaque côté de la fenêtre d'axe, l'Ange et la Vierge d'Annonciation.
Frise du mur Sud de la nef -XIV°- (détails)
Y figure une étonnante allégorie de la peste noire, personnifiée par une femme voilée, lançant ses flèches au hasard en direction d'une foule de paysans, de têtes mitrées, tonsurées ou couronnées… Cette peinture exceptionnelle figure l'égalité de tous devant les ravages de la Mort Noire.
Frise du mur Nord de la nef -XIV°- (détails)
Christ en gloire - XIV° - (au centre de la voûte de la nef)
Une nouvelle campagne de restauration, menée par Serban Angelescu (1980-1984), a permis d'ajouter quelques vestiges intéressants au patrimoine pictural du monastère de Lavaudieu. La pièce maîtresse de cette dernière campagne est le Christ en majesté, isolé, au centre de la voûte de la nef.
S'il paraît aujourd'hui très loin du fidèle, il faut rappeler qu'une tribune de bois courait le long des gouttereaux d'où les moniales suivaient la messe.
Sur un fond semé de rosaces trône la majesté divine dans une pose légèrement instable, les pieds reposant asymétriquement hors du champ de la grande mandorle.
Le Christ bénit et tient ouvert le livre où on peut lire : « EGO SUM VIA VERITAS » ("je suis le chemin et la vérité", Évangile selon saint Jean, 14, v. 6). Notons le détail de la reliure !
Le visage, détruit par la pose d'un luminaire, était encadré d'un nimbe blanc cerclé de jaune et croisé de rouge, et d'un important système pileux. La tunique, galonnée à l'encolure, paraît blanche sous un manteau grisâtre, le drapé étant signifié avec souplesse par des traits concentriques dilués en ombre, ce qui ne masque pas vraiment un linéarisme accentué encore par l'effacement des couleurs.
Peintures de la partie basse de la première travée du mur Sud de la nef (fin XV°-début XVI°)
C'est d'un art très provincial que relèvent le saint Christophe et l'Annonciation du mur Sud de la première travée de la nef. Sur un enduit très lissé où la chaux tient une place importante, avec
un fond écran blanc damassé de rouge, ces peintures, par leur style et quelques détails vestimentaires, doivent être datées au plus tôt du milieu du XV° siècle.
Peintures du bas-côté Nord (XIV°)
Citons encore le décor du bas-côté Nord — rajouté à l'époque gothique (XIII°) à la nef primitive — et dont la dernière travée a pu servir de porche, ce qui expliquerait la présence d'un Jugement Dernier aujourd'hui très fragmentaire, avec sa gueule de Léviathan et quelques damnés et démons. D'autres vestiges sont apparus au cours de la campagne de restauration de Serban Angelescu (1983-1984) : un personnage associé à un curieux quadrupède, un être serpentiforme « le serpent fuyard d'Isaïe » (?). Un graphisme simple et une palette réduite datant sans doute du début du XIV° siècle.
Transept
La croisée du transept est couverte d'une coupole sur trompes, portée par de grandes arcades en arc brisé, curieusement profilées d'un énorme boudin. Il y a trois absides : les deux plus petites ouvrent sur les bras du transept. L'abside principale sert de chœur.
Un décor peint a été accroché sur le mur du fond du croisillon Nord : le martyre et la glorification de sainte Ursule datant du XVI°. Il s'agit d'une peinture qui a été restaurée entre 1980 et 1984 ; celle-ci a été déposée de l'extrémité de la frise murale décrivant les scènes de la Passion située sur la partie supérieure du mur Nord de la nef dont elle recouvrait les derniers panneaux (Déploration/Mise au tombeau, Évangéliste et draperies) et reportée sur toile, ce qui a permis de laisser en place les peintures antérieures que l'on peut voir aujourd'hui.
Décor peint du croisillon Nord : martyre et glorification de sainte Ursule (XVI°)
Une peinture murale indépendante, consacrée au martyre et à la glorification de sainte Ursule et des 11.000 Vierges à Cologne, présente la Sainte sous les traits de la reine de France Anne de Bretagne, et date du début du XVI° siècle. La facture est d'inspiration flamande et se place dans la sphère de Bruges et de Gérard David, beaucoup plus que sous le signe des bords de la Loire et de Bourdichon.
La vie de Sainte Ursule, selon la Légende Dorée de Jacques de Voragine
Revenant d’un pèlerinage à Rome, Ursule, princesse bretonne accompagnée de ses compagnes, les 11000 vierges, est capturée par les Huns assiégeant Cologne. Suite à son refus d’épouser leur chef Attila et de renier sa foi, elle est, ainsi que ses suivantes, criblée de flèches.
Cette légende prit naissance au V° siècle lors de la construction d’une basilique sur les tombes de martyrs tués par les Huns en 383 après J.-C. Le chiffre romain XI, gravé sur une tombe, fut
à tort traduit en 11000.
Le chœur
Le chœur, qui fût reconstruit pour partie au XVII° siècle avec des matériaux anciens, dispose d'une abside unique dépourvue de chapelles latérales.
L'arc d'accès au chœur, profilé d'un énorme boudin, tous les deux peints de petites figures géométriques polychromes, porte le millésime 1859 écrit en chiffres romains (MDCCCLIX). Ce dernier correspond peut-être à l'année où la tribune de la nef a été détruite à la suite d'un accord passé le 17 juillet 1858 entre le propriétaire de la partie Nord du cloître, le curé et la municipalité (?).
Tête du Christ de Lavaudieu (copie en frêne de l'authentique du XII° siècle se trouvant au Louvre)
Fixée à un pilier, dans une cage en verre avec armature de laiton, se trouve une sculpture contemporaine de tête de Christ réalisée par Simone Bouchet, artiste locale. L'œuvre originale, haute de 34 centimètres, se trouve exposée au musée du Louvre qui l'a acquise en 1918.
The Met Cloisters, annexe du Metropolitan Museum de New York, possède quant à lui depuis 1925 un corps de Christ acéphale. Ce torse est haut de 109,20 centimètres.
Une publication toute récente, étude conjointe au Metropolitan Museum, au musée du Louvre, aux services du patrimoine et au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France - le C2MRF
- parue dans "TECHNE, N° 39, 2014" - intitulée : " Un christ roman auvergnat retrouve son unité grâce à l'étude de la polychromie", ne laisse pratiquement aucun doute : tête du
Louvre et torse du musée de New York sont deux pièces d'un même crucifix représentant un Christ encore vivant. Elle nous dit : "L'étude approfondie de la structure, et surtout de la
polychromie des deux éléments, semble lever définitivement le doute en faveur de l'homogénéité de l'ensemble".
L'ensemble à l'origine imposant, d'une hauteur d'environ 2,20 mètres, sculpté dans du bois de peuplier, date du milieu du XII° siècle. Ce grand Christ en peuplier polychrome fut vénéré par les religieuses. Il est dit qu'au XVI° siècle les protestants le décapitèrent, qu'il fut abandonné dans un coin puis retrouvé et à nouveau adoré. Il lui est prêté de tout temps des pouvoirs magiques, des possibilités d'envoûtements, la réalisation des vœux et des prières, des miracles...
Rien n'indique l'endroit où était exposé ce Christ dans l'abbaye mais à la Révolution, les biens des religieuses ont été dispersés et vendus, et le Christ était dans le lot. Nul ne sait où s'est
retrouvé ce Christ en croix, jusqu'au jour où, vers 1905, un antiquaire du Puy en Velay nommé Auguste Sahy le découvrit tête et torse ensemble, si l'on suit l'avis d'Ulysse Rouchon, contrairement
à ce qui est parfois écrit et dit, perché dans un cerisier faisant office d'épouvantail. Il l'acheta aux trois propriétaires déclarés mais vendit séparément la tête et le torse : la tête au
couturier et collectionneur Jacques Doucet qui en fit don au Louvre en 1918. Le torse quant à lui arriva finalement à New York en 1925, après d'autres péripéties et antiquaires, par
l'intermédiaire du collectionneur et sculpteur George Grey Barnard.
Fresque romane du réfectoire (XII°)
Préservés jusqu’à la fin du XIX° siècle par la chaux qui recouvrait les murs d'un ancien réfectoire devenu étable après la Révolution, en 1896 sont découverts des fragments d'une peinture datant du XII° siècle, de style byzantinisant avec influence syrienne, sur le mur Est de la salle située côté Sud du cloître, représentant, sur deux registres séparés par une frise, le Christ en majesté au-dessus de la Vierge en majesté entre deux anges, entourée des douze apôtres, l'ensemble encadré par une frise.
Le Christ en majesté est représenté dans le tétramorphe (représentation des quatre évangélistes sous leurs formes allégoriques - l’homme pour Saint Matthieu, l’aigle pour saint Jean, le taureau pour saint Luc et le lion pour saint Marc).
Cette salle a servi de réfectoire à un moment de l'histoire du prieuré (passe-plats avec la cuisine située à l'Ouest de la salle, aujourd'hui démolie), mais la qualité de cette peinture pourrait faire penser qu'elle a été faite pour une chapelle.
Le cloître
Le cloître de Lavaudieu est l’unique cloître roman encore conservé d’Auvergne.
L'église prieurale, le cloître et des bâtiments du prieuré sont réalisés au XII° siècle. La partie la plus ancienne du cloître est celle située sur le côté Ouest.
Le cloître roman ne comportait initialement qu'un seul niveau recouvert d'un toit pentu. A la fin du XVI° siècle, puis au cours du XVII° siècle, lors de l'embellissement du logement de l'Abbesse et de la construction de logements individuels pour les moniales, une galerie (cloître supérieur) fut rapportée sur celui-ci.
L'établissement du cloître supérieur en bois permit, après le percement d'une porte, l'accès direct des moniales à une tribune établie à l'intérieur de l'église, dans la partie occidentale de la nef. Le décor peint situé sous cette tribune et daté du XVI° siècle, nous apporte une indication quant à la date d'aménagement de ces galeries hautes du cloître.
En 1792, l'abbaye est vendue comme bien national. Elle est alors décomposée en plusieurs lots, vendus entre autres à des agriculteurs qui transforment le cloître en bâtiment de ferme. Le côté Ouest du cloître est modifié pour permettre la stabulation des vaches et le passage des charrettes.
Les restaurations dont le cloître a été l'objet au XX° siècle l'ont pleinement remis en valeur, mais il aura fallu remplacer quelques colonnes et plusieurs chapiteaux qui avaient été aliénés ou volés. De dimensions modestes (16 mètres sur 10 mètres), il est proportionné à l'importance du monastère. Ses ressources ne lui avaient pas permis d'envisager une œuvre somptueuse. Les arcades sont toutes simples. Les arcs en plein cintre, à peine moulurés sur la tranche, reposent sur des colonnettes dont certaines sont jumelées. Les fûts sont parfois décorés. Les chapiteaux portent des motifs variés : lions affrontés, sirènes, aigles et ce symbole de luxure que l'on trouve parfois aux portes des monastères : une femme allaitant des crapauds. Les quatre galeries du cloître sont à double étage : l'étage supérieur n'est qu'un auvent soutenu par des poutres de chêne. Au centre du cloître, on a placé une vasque percée de sept trous qui dut appartenir à une ancienne fontaine.
Les chapiteaux de la galerie Sud ainsi que certaines colonnes sont notamment des créations du sculpteur contemporain auvergnat Philippe Kaeppelin.
Les abords
Sources
Textes :
Abbaye Saint-André de Lavaudieu, fr.wikipedia.org
Abbaye Saint- André de Lavaudieu (43), routes-touristiques.com
Auvergne - Découvertes de peintures murales, Anne Courtillé, Bulletin Monumental, 1989
Découverte de peintures murales à l'église abbatiale de Lavaudieu, Énaud François, BSNAF, 1968, 1970
Dictionnaire des églises de France -Auvergne, Limousin, Bourbonnais-, Tome IIB, Robert Laffont, 1966
Haute-Loire - Lavaudieu, restauration du cloître, P. Ponsot, Bulletin Monumental, 1985
Histoire du martyre de Sainte Ursule, 1oeuvre-1histoire.com
LAVAUDIEU (43) - Abbaye Saint-André, archipicture.free.fr
Le Christ de Lavaudieu : une œuvre majeure de l'art roman, abbayedelavaudieu.blogspot.com
Texte/Plan :
Abbaye Saint-André de Lavaudieu, richesheures.net
Photos numériques : 2023