Plutôt qu'un ensemble compact de montagnes (appelées djebels), la dorsale tunisienne est une succession de massifs montagneux plus ou moins alignés, plus ou moins élevés et séparés entre eux par des trouées transversales. Dans sa moitié Nord, on y trouve, entre autres, les hautes terres de Makthar (900 mètres) et de Rebaa (600 mètres) séparées par la vallée de l'oued Siliana.

 

A une altitude de 924 mètres, dans une position commandant l'un des points de passage de la dorsale sur le rebord d'un large plateau, un bourg récent - sa création ne remonte qu'à 1887 - s'est juxtaposé aux ruines d'une cité antique, Mactaris, dont il a repris le nom, Makthar. Et, si la dispersion des ruines qui appartiennent au cortège des " grands " centres archéologiques de Tunisie, enlève au site ce qu'il pourrait avoir de spectaculaire, du moins donne-t-elle, peut-être mieux qu'ailleurs, une idée de son importance passée.

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Makthar (Mactaris) : Plan du site
Makthar (Mactaris) : Plan du site

Cette antique cité dont le nom latin, Mactaris, est la transposition d'un nom punique d'origine libyque fut, à l'origine, une forteresse fondée par les rois numides pour protéger leur royaume des incursions des nomades. La fondation de la ville elle-même se situe peut-être au début du I° siècle avant J.-C., lorsque des colons d'origine punique ou des libyens punicisés s'y installèrent, avec l'assentiment des Numides, et constituèrent probablement le fonds de la population. Les membres de cette colonie punique apportèrent avec eux leurs techniques, leur écriture et leur panthéon. Pendant un siècle et demi, Mactar devait rester fidèle à sa culture libyco-punique avant de se romaniser dans le courant du II° siècle de notre ère.

 

Mactaris bénéficia sans doute dès 46 avant J.-C. du statut de civitas libera. Au II° siècle de notre ère, elle connut une période de grande prospérité et fut promue au rang de Colonie en 180 par Marc Aurèle, peut-être à la suite de l'implantation de colons latins. La décadence, qui commença dès le début du III° siècle, fut précipitée par l'occupation vandale ; une renaissance toute relative au VI° siècle sous les Byzantins et l'invasion arabe ne changèrent rien au destin de la cité qui s'appauvrissait sans cesse et fut définitivement abandonnée au XI° siècle lors de l'invasion hilalienne (d'origine syrienne).


L'arc de triomphe de Bab el Aïn, à l'orée de l'agglomération moderne, marquait jadis l'entrée de la cité antique. Il domine un ravin où fut aménagé, près d'une source, le tophet de Baal Hammon, sanctuaire à ciel ouvert où l'on procéda à des sacrifices au moins jusqu'au début du III° siècle de notre ère ; on y mit à jour les urnes renfermant des os calcinés des victimes et un certain nombre de stèles sacrificielles.


Une voie romaine dallée gravit la colline en serpentant.


Elle laisse à droite un petit amphithéâtre dont la cavea, dépourvue de ses gradins, est encore bien apparente.


Du temple d'Hathor Miskar, reconstruit à la fin du II° siècle ou au début du III° siècle, ne subsistent que des restes peu évocateurs.

 

Le forum, rectangulaire, entouré de portiques et dont le dallage est quasi intact, fut aménagé au II° siècle.

 

L'arc de triomphe qui lui servait d'accès en est contemporain ; il porte encore la frise le consacrant " à l'Empereur César Nerva Trajan Auguste, le meilleur des princes vainqueur des Germains, des Arméniens et des Parthes, en sa vingt-et-unième puissance Tribunice " (116 après J.-C.). A ce monument fut accolée une tour carrée qui l'a transformé en fort byzantin ; un peu au Sud de cette tour et d'une petite esplanade dite place sévérienne s'étendent des ruines confuses de basse époque.


Les grands thermes du Sud-Est, construits peu avant 200, sont parmi les mieux conservés d'Afrique.

 

Le monument a été inauguré en 199, date fournie par une dédicace à Septime Sévère trouvée, en place, dans le vestibule d'entrée septentrional. La durée d'exploitation du bâtiment est certainement longue ; peut-être au IV° siècle et plutôt après 400, sans doute à la suite d'un problème d'alimentation en eau, un nouveau dispositif de bains plus restreint fut créé.


À l'époque byzantine, l'établissement est entouré d'une enceinte en grand appareil, le plus souvent plaquée contre les façades primitives, et ainsi transformé en forteresse.


Après l'abandon de la forteresse et une nette surélévation du sol provoquée par de forts apports d'alluvions, les lieux ne paraissent plus avoir connu que des modes d'occupation modestes.

 

Il s'agit de grands thermes inscrits dans un rectangle d'environ 85 mètres sur 52, soit 4 400 m². Les deux palestres (P) sont comprises dans ce calcul, dans la mesure où elles sont étroitement intégrées dans le bâtiment, prenant la place usuellement occupée par des gymnases couverts. Le frigidarium mesure 19,20 mètres par  12,70 mètres, soit près de 244 m² en excluant les piscines et les niches.

 

Le frigidarium (F), salle froide, pavé en mosaïque, a été entièrement dégagé ; les murs ont subsisté jusqu'au départ des voûtes, sur une hauteur de plus de 12 mètres.


Le plan est symétrique. Les salles chauffées (I, II, III, IV et V) sont disposées à l'Ouest. D'importants travaux de substruction, se présentant sous la forme de locaux souterrains, ont été nécessaires pour soutenir tout l'angle Sud-Est du bâtiment.


Au Nord et au Sud, un vestibule d'entrée flanqué de deux salles impose aux usagers un itinéraire en baïonnette. Ils débouchent ainsi dans un portique en P (Palestre) encadrant un espace pavé dépourvu de toiture.

 

 

 

 

Le cœur du bâtiment est occupé par un frigidarium pour lequel on a adopté nombre de solutions usuelles : espace rectangulaire couvert par une voûte d'arête centrale encadrée de deux berceaux ; piscines froides installées au milieu des deux petits côtés et flanquées chacune de deux locaux assurant la liaison avec le reste du bâtiment ; grand bassin placé sur un des longs côtés et constituant une véritable natatio (piscine) couverte.

 

 

Il faut sans doute placer dans les angles Nord-Ouest et Sud-Ouest, en tête du circuit des salles chauffées, des vestiaires destinés aux baigneurs qui ne pratiquaient pas les exercices physiques. Les quatre salles chauffées sont alignées le long de la façade occidentale ; la cinquième, le caldarium,  dessine une avancée sur cette façade, rompant ainsi cet alignement.

Plan : Reconstitution du bâtiment (vu du ciel)

Makthar (Mactaris) : Plan des grands thermes du Sud-Est

Plan des grands thermes du Sud-Est


Les salles chauffées :

I   : Tepidarium : le local Sud est complètement enseveli. Celui du Nord n'a pas encore été fouillé.
II  : Destrictarium : Endroit des bains où l'on se frotte avec le strigile ; double paroi (présence de tenons de fer) ; très probablement un foyer à l'Ouest, masqué par les remblais ; une porte relie directement cette pièce et le secteur froid ; elle permettait donc soit d'éviter le tepidarium d'entrée, soit d'écourter le circuit chauffé, ainsi réduit à l'utilisation de I et II.
III : deux foyers ; double paroi (présence de tenons de fer) ; passages de chaleur vers II et IV.
IV : Caldarium : bien qu'il soit encore masqué par les remblais, les vestiges apparents permettent de proposer trois solia (baignoires) disposés selon un schéma cruciforme et séparés par des praefurnia (fours) desservant des foyers équipés d'une chaudière ; paroi chauffante attestée par la présence de tenons de fer.
V : Tepidarium de sortie équipé d'une double paroi (présence de tenons de fer) et de deux piscines, ultérieurement bouchées et masquées par une mosaïque (alors que les thermes étaient désaffectés ?) ; deux portes, subdivisant le flot des baigneurs, donnent sur le frigidarium.


Arc de triomphe de Bab el Aïn - Arc de triomphe de Trajan - Grands thermes du Sud-Est


Au Sud-Ouest, la nécropole renferme des monuments mégalithiques, des tombes romaines et byzantines.
Un haut tombeau à toiture pyramidale, d'époque romaine, se dresse au milieu d'un champ.

 

Un mausolée fort élevé. Il consiste en une sorte de tour carrée ayant 2,95 mètres sur chaque face et reposant sur trois gradins. Cette tour est flanquée sur trois de ses côtés de trois pilastres corinthiens ; deux seulement ornent la façade principale dans laquelle a  été pratiquée la porte d'entrée. Au-dessus de cette porte, un bas-relief mutilé représente un taurobole. L'inscription funéraire, sauf quelques caractères, est complétement effacée.
La chambre sépulcrale contient intérieurement dix-sept columbaria ou petites niches cintrées.
Le second étage de ce monument est une deuxième tour rectangulaire bâtie en retrait sur la tour inférieure et décorée également de pilastres corinthiens. Elle renferme une grande niche cintrée qui probablement était jadis ornée d'une statue. Cette deuxième tour, couronnée d'une élégante corniche, est en outre surmontée d'un toit en forme de pyramide. La hauteur totale du mausolée est d'environ quinze mètres.

 

En dehors de la nécropole, au Nord-Est de l'entrée du site, dominant la route de Tunis (mais au milieu des maisons actuelles), s'élève le mausolée des Julii, en partie ruiné, avec une inscription en vers et un bas-relief représentant un sacrifice.


Haut tombeau à toiture pyramidale - Mausolée des Julii


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Sources

Textes :

Victor Guérin, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, Tome 1, Ed. Henri Plon, 1862

Bataille de Zama, wikipedia.org

 

Textes/Plan :

"Tunisie", Les Guides bleus, Hachette, 1977

Yvon Thébert, Thermes romains d'Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Publications de l'École

                             française de Rome, 2003

 

Photos : 1983 - 1984