Sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle
L'église du Saint-Esprit, anciennement église Notre-Dame-de-l'Assomption, est une église de style roman saintongeais située à Fenioux en Saintonge, dans le département français de la Charente-Maritime en région Nouvelle-Aquitaine.
L'église de Fenioux, souvent appelée « la perle de la Saintonge », mérite sans conteste cette élogieuse épithète. Elle n'en est pas « la reine » ou « la plus belle », ces termes allant tout naturellement à l'Abbaye-aux-Dames de Saintes ou à Aulnay, l'une et l'autre plus importantes et surtout plus complètes ; mais Fenioux, par la grâce unique de son clocher et la particulière richesse de sa façade, éveille spontanément dans l'esprit l'idée d'un bijou.
Quand le visiteur approche de Fenioux son regard est d'abord arrêté par le clocher qui dresse sa fine et délicate aiguille sur un horizon de verdure. Ce clocher est une merveille de l'art roman. Sa flèche d'une étonnante légèreté et d'un dessin impeccable l'a fait classer parmi les plus belles œuvres de la Saintonge. Elle aurait inspiré l'architecte Van Dremer pour son clocher de Notre-Dame d'Auteuil. « C'est une référence », nous dit l'Abbé Tonnellier dans sa belle étude sur Fenioux. Il n'hésite pas cependant à prononcer à son propos le mot de décadence. Décadence du style roman, bien entendu, et cette opinion peut à la rigueur se soutenir ; beaucoup de gracilité en effet et d'étirement, beaucoup de vides... Et pourtant, malgré cette gracilité et ces vides, peut-être à cause d'eux, le clocher de Fenioux est une bien jolie chose...
Le clocher se compose essentiellement de deux lanternes ajourées posées l'une sur l'autre et surmontées d'un dôme aigu. Cet ensemble se dresse sur la haute plate-forme d'une tour carrée à deux étages, dont le premier est simplement renforcé de contreforts plats aux angles et le second orné sur chaque face de deux longues baies aveugles en plein cintre.
La première lanterne est formée de quatre fenêtres avec tympan et arcatures géminées posées sur de légères colonnes. A ses angles en pans coupés et soudés en quelque sorte à la lanterne, quatre
lanternons d'une rare sveltesse chargent chaque coin de la plate-forme. Ces lanternons abattus à une époque indéterminée, n'existaient plus au siècle dernier. Ils ont été rétablis en 1896, en
même temps que de sérieuses et bien nécessaires réparations étaient effectuées à l'église.
Cette lanterne en porte une autre plus étroite et moins élevée, sorte de délicate couronne formée de colonnettes doubles qui reçoivent les retombées d'une petite arcature circulaire en plein
cintre. Le dôme effilé qui termine le clocher est écaillé et légèrement renflé, ce qui contribue à donner, à l'ensemble un élégant cachet d'originalité sans cependant s'écarter des règles
établies du roman Saintongeais.
La façade, elle aussi d'une conception toute particulière, est sans analogie dans la province.
Le portail très profond, occupe tout le rez-de-chaussée. Il est abondamment orné et compte cinq larges voussures, appuyées, sur un riche bandeau formé par les chapiteaux des nombreuses colonnes
des pieds-droits.
Le mur du pignon qui surmonte ce portail, en sérieux retrait sur l'avancée de la grande voussure, a sa base ornée de sept belles statues presque grandeur naturelle dont plusieurs sont
malheureusement mutilées. Elles sont de plus difficiles à examiner car il n'y a pas d'escalier pour monter à cette galerie. La statue du centre représente un Christ enseignant et celle de droite
peut-être une Annonciation. La tête de la statue est encadrée par un ange dans un nimbe qui forme en même temps modillon, les jambes sont curieusement croisées. Au-dessus de cette ligne de
statues, une fine corniche appuyée sur de gros modifions porte le pignon percé d'une large fenêtre en plein cintre, entourée d'un rang de marguerites semblables à celles de la porte latérale.
L'ensemble est encadré de deux fortes colonnes à chapiteaux très travaillés, têtes de série d'un alignement en pan coupé de sept autres aussi magnifiques formant contrefort d'angle, montant d'une
large base jusqu'au sommet de la façade.
Toutes les voussures et les chapiteaux du portail sont richement travaillés.
La première est ornée d'un superbe zodiaque, le plus beau de la Saintonge. Plus soigné, que celui d'Aulnay, il est aussi mieux conservé. A côté des noms des mois se trouvent les signes conventionnels et les figures correspondant à chaque occupation mensuelle. Sur la deuxième voussure, allongées dans le sens de l'arc, cinq Vierges sages set cinq Vierges folles encadrent un Christ. Un agneau pascal et des anges adorant occupent la troisième, tandis que sur la quatrième, six Vertus terrassent des Vices. La cinquième enfin est ornée de feuillages.
Toutes ces sculptures sont d'une impeccable exécution.
Parfaite aussi est la petite porte latérale qui s'ouvre sur le côté Nord à toucher presque l'angle Ouest. C'est un très beau morceau d'architecture romane du début du XII° siècle. Profonde pour son peu d'élévation, elle comprend trois voussures en plein cintre appuyées sur des pieds-droits garnis chacun de trois colonnes à chapiteaux. Le grand arc est entouré d'un gros cordon à pointes de diamant. Deux des voussures sont recouvertes de feuillages en volutes ou en croix et celle du milieu de belles marguerites à huit branches perlées. Ces marguerites qui se rencontrent un peu partout dans la région, plus ou moins bien exécutées, sont peut-être les modèles du genre.
Les murs latéraux de l'église ont été, à maintes reprises remaniés, mais ils ont conservé des vestiges très anciens. C'est ainsi que sur le mur Nord se voient encore deux petites fenêtres (0,80 x
0,24) fort remarquables et une sur le mur Sud. Cette dernière seule est intacte. Ces ouvertures remonteraient à l'époque carolingienne. Garnies non de vitraux mais d'entrelacs de pierre très
serrées, elles étaient, semble-t-il destinées à éclairer la nef quand le verre n'était pas encore d'un emploi courant. Aujourd'hui elles ne traversent pas le mur et ne présentent plus, sauf celle
du Sud, que des débris de leur ancien remplage.
Ces « claustra » sont, avec l'exemplaire de Petit-Niort, près de Mirambeau, (d'un dessin d'ailleurs différent et plus fruste), uniques en Saintonge.
L'abside reconstruite n'offre pas d'intérêt.
L'intérieur de l'église porte les traces de modifications nombreuses et profondes. L'appareillage y est très divers. Des parties sont en blocage irrégulier ; d'autres en pierre de taille. Les fenêtres qui éclairent la nef, laquelle n'a plus sa voûte, ont été percées dans le mur de blocage. Deux grands arcs aveugles reposent sur des colonnes à beaux chapiteaux, mais près de ces colonnes d'autres plus petites, massives et trapues, probablement très anciennes, ne supportent plus rien. Leurs volumineux chapiteaux sont très beaux.
Ces diversités rappellent que l'église élevée sur des murs en partie du XI° et même antérieurs a été, en outre plusieurs fois revoûtée. La dernière couverture en date s'est effondrée en 1835. Au siècle dernier une tribune occupait encore une bonne partie de la nef alors voûtée en ogive. Cette tribune s'appuyait précisément sur les colonnes courtes.
Les premières travées de l'église étaient étroites et de petits contreforts les étayaient à l'extérieur. II en reste cinq au Nord. Des travées plus grandes leur succédèrent quand il fut question
vers la fin du XII° siècle de couvrir la nef de coupoles. Il fallut ajouter des colonnes et à l'extérieur de gros contreforts qui ne sont pas à l'alignement des piliers qu'ils devraient buter.
Signalons enfin que l'architecte du Sacré-Cœur de Montmartre, Paul Abadie, est venu à Fenioux à la fin du siècle dernier pour s'inspirer des sculptures du portail qu'il a
reproduites dans l'ornementation de la célèbre basilique parisienne.
Construite au flanc d'un coteau et presque isolée dans une région autrefois entièrement couverte de forêts, elle est sans doute l'aboutissement d'une suite de monuments qui avaient eux-mêmes succédé à d'autres : pierre celtique ou autel druidique. Elle doit marquer en tout cas un emplacement où se sont déroulés de très antiques scènes religieuses. On a trouvé dans le vallon quelques vestiges gallo-romains. Au X° siècle existaient là d'importants bâtiments conventuels. Tous ont disparu. Seule l'église, que son éloignement des grandes voies de communication a protégé, est parvenue jusqu'à nous avec sa Lanterne des Morts.
LA LANTERNE DES MORTS
La renommée de Fenioux n'est pas uniquement due aux qualités exceptionnelles de son église. Le curieux monument qu'est la Lanterne des Morts a contribué beaucoup aussi à sa célébrité.
Elle se dresse à 8o mètres environ à l'Ouest de l'église, c'est-à-dire en avant de sa façade.
C'est une tour de plus de 7 mètres de hauteur, formée d'un ensemble de onze colonnes accolées dont les chapiteaux portent une légère corniche circulaire sur laquelle se dressent treize autres
colonnes plus petites, plus courtes et indépendantes, formant la lanterne. Sur leur couronnement est posée une pyramide carrée dominée par une courte croix. Les quatre côtés de la pyramide sont
recouverts de grosses écailles aiguës, très saillantes, surtout sur les angles.
Les segments de la circonférence à la base de chaque pan sont chargés d'un court pyramidion terminé par une boule de pierre. L'une de ces boules côté Sud est à moitié brisée, le reste a vaguement
la forme d'un croissant ce qui a fait dire à certains que la Lanterne des Morts de Fenioux était surmontée de l'emblème mauresque.
Ce genre de Monument, très rare en Saintonge, n'est cependant pas unique. Il en existe un à Saint-Pierre d'Oléron, fort beau aussi, mais moins ancien, et deux autres un peu au-delà des limites
extrêmes de la province, l'un à Cellefrouin, au Nord de La Rochefoucauld et l'autre à Pranzac, à quelques kilomètres au Sud. Des restes d'un cinquième subsistent à Brigueil, canton de Confolens.
En s'écartant davantage, on en trouve encore un à Pamplie (Deux-Sèvres), un à Felletin (Creuse) et dans la Vienne à Journet, à Aubigny et à Château-Larchier. Ces derniers d'ailleurs différents de
formes et de styles sont sensiblement moins intéressants.
Tous s'élèvent sur ou auprès d'un ancien ossuaire.
A l'intérieur, un petit escalier de 38 marches conduit à la lanterne où était suspendue une lampe à huile dont la lumière, symbole d'une vie future, brillait dans la nuit, non seulement pour
honorer les défunts, mais aussi pour guider les voyageurs ou les pèlerins attardés.
Une réminiscence des cultes romains des "Mânes" (?)
Outre les "piles romaines" comme celles d'Ébéon ou celle de Pirelonge entre St-Romain de Benet et Meursac qui étaient des monuments funéraires, les Romains ont laissé leur marque avec la fête
de la Chandeleur : lors de la Fête des "Mânes" (âmes des morts), les "Parentalia" qui se déroulaient en Février, ils faisaient des sacrifices à Pluton et aux dieux infernaux et
tenaient allumés toute la nuit torches et cierges.
Cette fête est à l'origine de celle de la Chandeleur. En 472, le pape Gélase en fait une fête religieuse, qui deviendra la célébration de la présentation de Jésus au temple. Jésus devient la
"lumière du monde" et les crêpes arriveront au XII° siècle grâce aux graines ramenées des croisades qui se sont acclimatées en Bretagne entre autre.
Les lanternes des morts seraient l'évolution christianisée des "piles gallo-romaines" qui auraient pu servir à représenter le Christ "lumière du monde" lors de cérémonies liées aux
défunts.
Chemin de Saint-Jacques de Compostelle
Le chemin de Tours ou Via Turonensis est l’un des quatre grands chemins décrits par Aimery Picaud dans le Codex Calixtinus. Il était l’un des plus fréquentés au Moyen-âge. Partant de Paris, il rejoint les voies de Vézelay et du Puy-en-Velay au hameau de Gibraltar et franchit la frontière espagnole au col de Ronceveaux.
Le territoire des Vals de Saintonge est traversé du Nord au Sud par le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. La Via Turonensis, aussi appelée voie de Tours, passe en effet par Poitiers, Melle et entre en Charente-Maritime, sur notre territoire, par La Villedieu. Ensuite, elle traverse Aulnay, Saint-Jean-d’Angély, Fenioux, Saintes, Pons puis l’abbaye de la Tenaille à Saint-Sigismond-de-Clermont, avant d’atteindre les rives de la Gironde.
A Fenioux, la présence d'une lanterne des morts dans un si petit bourg est liée au chemin de Saint-Jacques de Compostelle et, comme l’église, elle date du 12° siècle. Une flamme était placée au sommet et servait de guide aux âmes des défunts, puis de repère aux pèlerins.
Sources
Textes :
Les Eglises de Saintonge - Saint-Jean d'Angély et sa région, Charles Connoué, Delavaud, Tome III, 1957
En chemin vers Saint-Jacques, valsdesaintonge.org
Les lanternes des morts de la Saintonge et ailleurs, chapiteaux.free.fr
Monuments romans de la région Poitou-Charentes, decouverte.inventaire.poitou-charentes.fr
Carte/Texte :
Voie de Tours, compostelle17.fr
Plan :
Art roman et Monuments Historiques en Poitou et en Charentes, inventaire.poitou-charentes.fr
Photos numériques : 2020