A 160 mètres d'altitude, Simitthu était située au centre d'un bon terroir agricole et servait de marché régional grâce aux facilités de la circulation apportées par un réseau routier romain dense. Mais d'autres ressources lui venaient de son sous-sol. Adossée aux derniers plis atlasiques, Simitthu exploitait des carrières de marbre que la moderne Chemtou exploita à nouveau au XIX° siècle.
Ce gisement a pu relever de la couronne numide puis son exploitation fut poursuivie à l'époque romaine. L'exportation du marbre de Chemtou est ancienne.

Le premier exemple de marbre numidique (" marmor numidicum " ou " giallo antico ") utilisé en Italie est apporté par M. Aemilius Lepidus, consul en 78, qui en usa pour faire des seuils dans sa maison. Plus tard, on l'employa au forum, lorsque le peuple y érigea une colonne en l'honneur de César. Il servit aussi à l'ornementation de plusieurs monuments de l'époque d'Auguste : le Panthéon, le Temple de la Concorde, le forum d'Auguste.

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Chemtou (Simitthu) : Plan du site
Chemtou (Simitthu) : Plan du site

 

Au milieu du I° siècle, Sénèque et Pline indiquent qu'on l'utilise avec le marbre d'Alexandrie pour obtenir une sorte de marqueterie de pierre. Vers la fin du siècle, Stace le cite et précise qu'il est jaune et pourpre. Il continue d'être prisé au siècle suivant, comme le montrent Juvénal et Solinus, qui le qualifie d'eximium (exceptionnel). Du marbre numidique est exporté vers la Méditerranée orientale.

Vers la fin du II° siècle l'architecte Hippias avait, quelque part en Orient, construit des thermes ornés de marbre de Numidie. On en a retrouvé aussi à Grand, dans les Vosges.

Chemtou (Simitthu) : Carrières de marbre aux environs du site
[006-1983-01] Chemtou (Simitthu) : Carrières de marbre aux environs du site

Et au début du VII° siècle, Isidore de Séville le connaît. L'évêque précise qu'il est exporté par la Numidie, et qu'il présente des veines de la couleur du safran.

 

Naturellement, on a découvert des éléments architecturaux en marbre de Chemtou dans plusieurs des villes d'Afrique, à Carthage, à Thacia (Bordj Messaoudi près de Musti), à Thubursicum Numidarum (Khemissa - Algérie -), à Lepcis Magna (Lybie) et à Césarée (Cherchell - Algérie -), etc.

 

Simitthu offre ainsi l'exemple, rare dans les provinces africaines, d'une ville dont les activités ne sont pas uniquement liées à l'agriculture ou au commerce.


Chemtou (Simitthu) : Pont de Trajan
[NB044-1978-05] Chemtou (Simitthu) : Pont de Trajan

Un pont monumental est jeté sur la Medjerda.

 

Du côté de la rive droite, les deux premières arches existaient encore vers 1870 ; depuis lors, l'une d'elles a été abattue. Ces deux arches s'élevaient encore de près de quinze mètres au-dessus du fleuve. Les voûtes sont naturellement en plein cintre. Les autres piles se sont effondrées sous les efforts des eaux et encombrent de leurs débris le lit de la Medjerda. Sur la rive gauche, on remarque les restes d'une puissante jetée qui devait former à la fois l'amorce du pont et celle d'un quai. Cette jetée est construite avec des pierres de toute nature, notamment avec des pierres funéraires et même des bases de statues, ce qui indique, à défaut d'autres indices, qu'elle a été faite ou tout au moins fortement réparée à une basse époque.

 Au centre du parapet était fixée jadis une grande dalle de marbre rose, qui s'est écroulée avec les pierres qui l'avoisinaient ; elle gisait au milieu même de la Medjerda lorsqu'elle a été découverte. Elle fut dégagée à grand-peine du lit de gravier dans lequel elle était aux trois quarts ensevelie ; et, après l'avoir relevée au-dessus du niveau de la nappe d'eau qui la recouvrait, on put lire l'inscription qu'elle portait.

On y lit : " L'empereur Nerva Trajan (c'est-à-dire l'empereur Trajan), fils du divin Nerva, très bon, Auguste, Germanique, Dacique, souverain pontife, revêtu des pouvoirs de tribun pour la seizième fois, salué imperator pour la sixième et consul pour la sixième, père de la patrie, a construit de fond en comble ce nouveau pont, par la main de ses soldats et aux frais de son trésor, au profit de la province d'Afrique ".


Ce pont ouvrait un passage du côté de la plaine de la Medjerda et de la Tunisie méridionale, et comme la Medjerda a toujours été un fleuve infranchissable en certaines circonstances, c'était le seul moyen qu'on eût de ne pas être emprisonné à Simitthu (aujourd'hui Chemtou).

 

L'oued Melah, qui se jette dans la Medjerda à peu de distance en amont du pont de Trajan, traversait toute la partie basse de Simitthu et la séparait du gros de la ville. Un pont d'une seule arche, dont il ne subsiste plus que les amorces, le franchissait un peu en avant de son confluent.

 

Sur la rive gauche, par conséquent dans la pointe comprise entre les deux rivières, on remarque plusieurs édifices intéressants : deux basiliques, le forum et un théâtre.


La première de ces deux basiliques conserve encore son abside à peu près intacte ; le sol a été mis au jour par des fouilles qui malheureusement n'ont point été poussées assez loin. La porte d'entrée de l'édifice située sur le côté droit était encore debout il y a quelques années et dressait sa baie élégante au milieu des herbes qui couvrent l'emplacement de l'édifice antique.

Tout à côté s'étendait le forum. Son pavement en est encore à peu près intact ; mais toute l'ornementation en a disparu dès l'antiquité.

Chemtou (Simitthu) : Plan du théâtre
Chemtou (Simitthu) : Plan du théâtre

Le théâtre était construit, suivant la méthode romaine, sur un terrain plat ; l'édifice se composait de deux rangs d'arcades superposées. L'étage inférieur seul subsiste encore ; mais le palier sur lequel s'ouvraient les vomitoires est parfaitement reconnaissable. La scène est très dégradée. Tel qu'il est, le monument est imposant.

 

Ce théâtre, qui n'est ni adossé à une colline ni complètement isolé, présente des  particularités de construction qui paraissent intéressantes.
La partie inférieure de l'hémicycle de gradins, qui était complètement enterrée, est bien  conservée.
L'orchestre est pavé d'une mosaïque qui n'est pas encore entièrement déblayée : elle est multicolore ; toutes les nuances du marmor numidicum, exploité dans l'antiquité à Simitthu, y sont représentées.



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Sources

Textes :

Jean-Marie Lassère, Remarques sur le peuplement de la Colonia Iulia Augusta Numidica Simitthus,

                                         Antiquités africaines, 16, 1980

Jules Toutain, Le théâtre romain de Simitthu ou Chemtou (Tunisie), Comptes rendus des séances de l'Académie

                            des Inscriptions et Belles-Lettres, 36° année, N° 4, 1892

 

Plans :

Chemtou, wikipedia.org

Frank Sear, Roman theatres - An Architectural Study, Oxford University Press, 2006

 

Photos : 1978 - 1983