Située à Beaucaire, Ville d'Art et d'Histoire, l'Abbaye de Saint-Roman abrite les vestiges d'un monastère paléochrétien creusé par des ermites, puis par des moines troglodytes à partir de la fin du V° siècle. Chapelle et cellules, citernes et celliers, ces vestiges de vie monastique troglodytique sont uniques en Europe occidentale.
Sa filiation spirituelle avec les anachorètes et les moines de l'Orient chrétien, et son aspect primitif, évoquent les monastères d'Egypte ou de Cappadoce, les ermitages et les laures de Palestine. Les pèlerins affluaient sur cette haute colline surplombant le Rhône pour vénérer les reliques de Saint Roman et Saint Trophime.
Une véritable nécropole rupestre accueille des centaines de sépultures creusées dans le rocher par des moines troglodytes. Les vestiges de fortifications médiévales et d'un château du XVI° siècle subsistent sur la terrasse supérieure.
L'évolution du rocher de Saint-Roman
Le massif de l'Aiguille est une butte témoin, c'est-à-dire dans un bassin sédimentaire, un fragment d'un banc rocheux résistant, isolé par l'érosion et entouré à son pied par des affleurements
des niveaux inférieurs. C'est le reste, le « témoin », d'un massif plus grand qui a été érodé avec le temps. La butte représente une accumulation de particules calcaires, sous forme d'une dune
marine d'eau peu profonde datant du Miocène, déposées lors d'une incursion de la mer dans la vallée inférieure du Rhône, il y a entre 15 et 20 millions d'années.
Percé de grottes ou d'abris, le rocher dans lequel a été creusée l'Abbaye de Saint-Roman a évolué dans sa forme au long de l'histoire de l'occupation humaine.
Avant le XIII° siècle, alors qu'il n'avait pas encore été retaillé, c'est sous sa forme naturelle originelle qu'il a accueilli l'installation de moines vivant dans des cellules individuelles.
Certaines devaient être accessibles de plain-pied, d'autres grâce à des escaliers taillés dans la pierre.
Une fortification du site est entreprise tout au long du Moyen Age. Les parois rocheuses sont retaillées, un fossé creusé qui ceinture tout le site, et des murs érigés au sommet. Malheureusement,
les nombreuses pièces et cellules troglodytiques vont être pour la plupart éventrées par ces aménagements.
La présence de pins résulte de la création d'un jardin romantique au milieu des ruines à la fin du XIX° siècle.
L'aspect abrupt du rocher résulte de l'exploitation médiévale en carrière de la pente naturelle de la colline, du creusement d'un grand fossé l'entourant, et de l'ajout de murs de fortifications percés d'archères.
Au Ier siècle de notre ère, Ugernum, qui deviendra Beaucaire, était l'ancien port antique de Nîmes sur le Rhône. Des fouilles récentes viennent de l'attester.
Entre le milieu du V° siècle et le début du IX° siècle, l'Argence devient une enclave du diocèse d'Arles sur la rive droite du Rhône et intègre le système défensif de la cité.
Saint-Roman était probablement à l'origine un monastère séculier composé de Frères Clercs. Il est mentionné pour la première fois en 961, dans les possessions de l'archevêque d'Arles Manassès qui développe ce lieu élevé qui domine le paysage, aux confins des diocèses d'Arles, de Nîmes, d'Uzès et d'Avignon. C'est sans doute lui qui dote le monastère de reliques, en particulier de saint Roman, martyr de Rome lors des persécutions au III° siècle. C'est aussi à partir de cette époque que doit se développer la vaste nécropole rupestre, avec ses centaines de tombes.
En 1102, les frères sont bien qualifiés de moines (monachi), mais on ignore s'ils suivaient une règle particulière. Une décision de l'archevêque d'Arles impose une réforme à Saint-Roman, qui
devient un prieuré rattaché à l'abbaye bénédictine de Psalmodi près d'Aigues-Mortes.
Au début du XIII° siècle, le site sert de place forte lorsque le château de Saint-Roman est donné en fief à Simon de Montfort par l'archevêque d'Arles, avec le château de Beaucaire et toute
l'Argence.
Argence : A l'extrémité du Gard Rhodanien, juste à la frontière avec les Bouches du Rhône et le Vaucluse,
la Terre d'Argence constitue un triangle d'or entre Nîmes, Arles et Avignon. Elle est composée de 5 villes
et villages : Beaucaire, Bellegarde, Jonquières-Saint-Vincent, Fourques et Vallabrègues.
La grande salle
La grande salle était divisée en trois niveaux : les deux premiers du XVI° siècle disposaient de voûtes d'arêtes et en plein cintre ; le niveau supérieur, plus ancien, a un plafond creusé à l'époque romane. Un grand bâtiment, aujourd'hui disparu, était plaqué contre le rocher. Il recouvrait une citerne dont le puits se trouve sous une grille.
La chapelle souterraine
La chapelle souterraine a été estimée comme très ancienne par les historiens locaux depuis le XVII° siècle, du fait de la ressemblance d'une partie des tombes avec des sépultures paléochrétiennes. Les dernières recherches semblent établir que ces tombes seraient plutôt une imitation médiévale des premières tombes chrétiennes des catacombes romaines, elles-mêmes copiant celles des hypogées antiques orientaux. Ce type de tombe est une cuve anthropomorphe, creusée dans la paroi sous un arc en plein cintre dessinant une niche. Elles sont venues gagner les parois d'une grotte naturelle puis un couloir creusé pour les recevoir.
La chapelle souterraine, dans son état actuel, serait la crypte d'une chapelle aérienne disparue, et résulterait d'un agrandissement des XI° et XII° siècles. Elle fut exploitée en carrière au
XIX° siècle, rabaissant le niveau de presque deux mètres sur les deux tiers de sa longueur.
Le cimetière sur la partie supérieure du rocher
Ce cimetière comporte près de deux cents tombes anthropomorphes d'adultes et d'enfants. Des dizaines ont été détruites par la retaille du profil du rocher sur lequel elles descendaient en escalier. D'autres encore subsistent sous les murs, les remblais et sur les pentes dans la forêt. Les défunts étaient des moines, mais surtout des laïcs, hommes, femmes et enfants, des villages alentours. Leur datation établit une activité funéraire aux XI° et XII° siècles.
Les cellules monastiques
Les tombes sont omniprésentes sur le rocher. Les cellules monastiques sont antérieures à l'époque romane et ont été en partie éventrées lors de la fortification. Une seule se visite à la pointe sud du rocher, car la plupart sont inaccessibles.
Accès extérieur à la partie supérieure de l'Abbaye
Un profond et large fossé remblayé ceinture le rocher. Une rampe et un pont permettaient de franchir le fossé pour accéder à la partie supérieure de l'Abbaye. Le pont a été restitué dans les années 1990.
Sources
Textes :
L’Abbaye troglodytique de Saint-Roman
Signalétique locale
Plan :
Photos numériques : 2024